Mais, comme l'avait souligné La Taupe, les pachydermes n'étaient pas les premiers responsables de cette situation. Leur habitat naturel de forêts et de jungles avait été détruit. Les itinéraires de migration qu'ils avaient empruntés durant des millénaires avaient été éliminés ou bloqués par d'innombrables constructions nouvelles, des maisons, des usines, des routes, des fossés de drainage, des voies de chemin de fer. Les éléphants restant en Assam se trouvaient donc perdus, désorientés, furieux - et, avant tout, affamés.
C'est en lisant les journaux au bureau de l'Associated Press à New Delhi que Tarquin Hall décida de se rendre dans l'État indien de l'Assam. En effet, un éléphant mâle solitaire et sauvage, décrit comme un tusker - car porteur de puissantes défenses - est responsable de la mort de trente-huit personnes. Le gouvernement de l'Assam et le Service forestier de l'État ont décidé que l'éléphant est dorénavant menacé d'exécution et un chasseur, Mr Chaudhury de Guwahati devra se charger d'une mission très importante, celui de traquer l'animal et de l'abattre. C'est justement auprès de Mr Chaudhury que Tarquin réussit à obtenir l'autorisation de l'accompagner à Sonitpur, le district où a sévit l'éléphant solitaire. Dès le soir, le départ est annoncé et l'aventure au cœur de l'Assam est lancé. La première destination est le quartier général des gardes forestiers qui se trouve près de la frontière de l'Arunachal Pradesh. A partir de ce lieu, c'est accompagné par plusieurs hommes du Service Forestier, de deux mahouts et deux kunkis - des éléphants domestiques prénommés Raja et Jasmine - que Tarquin et Mr Chaudhury commencent à suivre les traces de l'éléphant solitaire. Mais le pachyderme ne se laisse pas traqué si facilement. Sur le chemin, l'équipe ne pourra que constater les désastres opérés par l'animal lors de son passage mais également les dégâts qui ont été faits par d'autres éléphants sauvages. Malgré que l'éléphant semble blessé, il fera parcourir à la fine équipe de longues distances : du Bhramapoutre aux plantations de thés, des rizières aux champs de canne à sucre, de la réserve de Kaziranga au cimetière des éléphants. "Tarquin Hall va découvrir un monde riche, complexe et fascinant, avec ses règles, ses rites, sa sagesse ancestrale, ses passions et ses contradictions. Ses légendes aussi, comme celle du cimetière des éléphants, qui hantera l'auteur jusqu'à ce que lui apparaisse une troublante vérité."
Mais qu'importent la soif et la mouche vorace, Et le soleil cuisant leur dos noir et plissé ? Ils rêvent en marchant du pays délaissé, Des forêts de figuiers où s'abrita leur race.
Lecomte de Lisle, Les Eléphants - Chapitre 8 "Le lac de Ganesh"
"Vers le cimetière des éléphants" offre une très agréable lecture qui nous plonge au cœur de l'Assam, un État qui se situe au Nord-Est de l'Inde et relié au reste du pays par un étroit corridor surnommé le "Cou du Poulet". L'Assam est logé avec sept autres États Indiens comme une pièce de puzzle et égarés entre cinq pays : la Chine, le Tibet (que je considère comme un pays même si ce pays est rattaché à la Chine) et le Bhoutan au Nord, le Bangladesh au sud et le Myanmar (Birmanie) à l'Est. A travers les pages de "Vers le cimetière des éléphants", la mixité raciale et culturelle de cette région frontalière est très présente. La variété de paysages qu'offre l'Assam - un État traversé par un fleuve sacré, le Brahmapoutre et se situant sur les contreforts de l'Himalaya - est magnifiquement retranscrite. Ma description de cet État peut vous faire l'effet de lire une brochure touristique et pourtant, ce n'est absolument cet aspect qui est réellement dépeinte dans cet ouvrage. A travers les 245 pages, Tarquin Hall qui nous raconte son aventure en Assam à la poursuite d'un éléphant tueur d'hommes aux côtés d'un chasseur professionnel, nous fait découvrir différents aspects de cette région moins reluisants. Tout d'abord le ravage fait par les éléphants, conséquence directe de la disparition de la jungle et avec elle les itinéraires traditionnels des troupeaux d'éléphants. Y est également relater le braconnage avec pour cible les rhinocéros et les éléphants, le combat contre le braconnage fait par les Gardes Forestiers notamment dans les réserves, ... Tarquin Hall nous fait également découvrir le métier de chasseur. A la première rencontre avec Mr Chaudhury, ce dernier paraît être un tueur d'animaux pur et dur, mais l'on découvre très vite sa sensibilité envers la nature et principalement avec les éléphants. Les mahouts qui font partis de la mission sont également très respectueux des pachydermes et privilégient le bien-être des animaux. Pourtant Tarquin Hall nous fait bien comprendre que tous les hommes ne sont pas comme eux, qu'il existe - et ils sont nombreux - des êtres ignobles et cruels. On comprendra pourquoi un éléphant peut devenir un tueur d'hommes et semer la terreur. Tarquin Hall nous fait également rencontrés ou croisés des indépendantistes, des propriétaires d'une plantation de thé qui nous renvoie directement avant l'Indépendance, des religieux, ... Cette expédition est effectuée à la dure, avec, très souvent, un confort rudimentaire et des moyens de locomotion très locales mais qui marquera indéniablement Tarquin Hall. "Vers le cimetière des éléphants" est un livre qui nous permet de découvrir les éléphants d'Asie : ceux à l'état sauvage ou ceux domestiqués, la capture des éléphants pour la domestication, le braconnage, le moyen de communication des éléphants, leur sensibilité, ... On y apprend également les termes utilisés pour définir les différents éléphants que l'on croise en Inde. On apprendra également qu'il existe, tout comme pour les indiens, des castes pour les éléphants et qu'il existe des textes anciens sur les éléphants.
"Vers le cimetière des éléphants" est donc un ouvrage où l'on apprend beaucoup sur les éléphants. C'est une des raisons pour laquelle que je recommande la lecture de ce livre et que je souhaite le faire connaître. En effet, beaucoup associe l'Inde ou d'autres pays d'Asie aux éléphants et c'est pour un grand nombre de voyageurs le moment d'approcher un éléphant voire même de le monter, de se faire bénir par eux ... Mais peu de personnes connaissent l'envers du décor et oublient qu'avant tout ce folklore, c'est une espèce menacée car leur habitat disparaît et qu'un beau jour voir un éléphant en liberté sera une légende.
Pour terminer "Vers le cimetière des éléphants" c'est également le mystère du peu d'ossements et de défenses des éléphants que l'on trouve dans la nature. Existe-t-il quelque part un cimetière où viennent mourir les éléphants ? Légende, métaphore ou réalité ? Lisez ce livre et vous aurez une part d'explication.
Jusqu'à une époque encore relativement récente, l'ensemble de l'Assam avait été recouvert d'une semblable jungle, qui s'étendait jusqu'à la Birmanie et au-delà. Selon le légendaire local, les éléphants avaient, à travers cet océan de verdure, leur route secrète - un tunnel, disaient même certains - leur permettant d'aller jusqu'en Malaisie sans être vus de l'homme. On prétendait qu'une fois tous les cent ans, des milliers de hordes sauvages empruntaient cet itinéraire pour gagner un lieu de réunion secret, en Haut-Assam. Et que là, un conseil présidé par le mythique éléphant blanc à quatre défenses Airavata organisait des cérémonies rituelles, réglait les différents et désignait les nouvelles éléphantes mères des troupeaux.
- Leurs troupeaux viennent tous les ans, expliqua-t-il, et nous devons les repousser. Il ne reste plus assez de nourriture pour eux dans les collines et dans la jungle, alors qu'ici, les vivres abondent. Pour les éléphants, c'est comme s'ils allaient au supermarché - à part, bien sûr, qu'ils oublient de passer à la caisse.
Vers le cimetière des éléphants
De Tarquin Hall
Titre original : To the Elephant Graveyard
Traduit de l'anglais par Jean Bourdier
Éditions de Fallois - Broché - Date de parution : 12 février 2002
ISBN : 978-2877064279 - Prix éditeur : 18 €
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Un petit mot sur l'auteur Tarquin Hall est journaliste et a exercé très tôt en Amérique, en Afrique et en Asie. Il a été trois ans en poste en Inde pour le compte de l'agence Associated Press.
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