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"Sur les rives du fleuve Mahé" de Mukundan


La mort de Missie marqua la fin de l'âge d'or des citoyens métis d'origine française de Mahé. Une page venait de se tourner. Elle était le dernier maillon d'une chaîne de riches et généreux métis qui avaient mené une existence nombre et honorable. Les métis allaient continuer de jouer un rôle dans la vie de Mahé, mais sans jamais plus parvenir à la même grandeur, ni à la même noblesse. La pauvreté et les maux qui l’accompagnent allaient les contraindre à mener une vie étriquée. Parmi eux naîtraient même des clochards, des prostituées. La mort de Missie marquait aussi le début d'une ère tragique qui verrait leur totale disparition. [Page 166]

Mahé et sa petite enclave de Kallayi sont, contrairement aux anciens Établissements français de l'Inde - Pondichéry, Chandernagor, Karikal et Yanaon - situées sur la côte de Malabar. Mahé, situé au Nord du Kerala, est bordée au sud-ouest par la Mer d'Arabie, au nord par le fleuve Ponniyar (Moolakadavu) et au sud par le fleuve Mahépar.

Contrairement à Pondichéry, Mahé est rarement présente dans les fictions contemporaines. Heureusement, elle compte parmi ses natifs, l'auteur Maniyambath Mukundan, qui avait été attaché culturel adjoint à l'ambassade de France de Delhi. Durant sa carrière littéraire, il a écrit nombre de romans et de nouvelles, très souvent en malayalam ("la langue" du Kerala"), inspirés par sa ville natale. Un seul de ses romans "Mayyazhi puzhayute Theerangalil" publié en 1974, a été traduit en français, trois ans après sa traduction en langue anglaise ("On the banks of the Mayyazhi").

"Sur les rives du fleuve Mahé" dépeint la vie de Mahé : de l'arrivée de la première automobile jusqu'en 1954, l'année de l'indépendance de Mahé. Cette année est importante pour Mahé et pour l'Inde, car elle marque la fin de la juridiction française sur cette colonie et son "entrée" dans l'Union Indienne.

"Sur les rives du fleuve Mahé" est une petite chronique de la vie quotidienne des gens de Mahé au début du XXème siècle où se côtoient des personnages bien différents, aux origines et aux croyances diverses, des riches et des pauvres, des haut-placés jusqu'aux petites écoliers, ... Ce roman comprend donc un nombre important de personnages aux noms souvent très ressemblant : Karunan, Kanaran, Kanari, Kunjakkan, Kunhambu, Kunhichirutha, Kunjakkan, ... Pourtant deux personnages clé rythme le roman. Le premier est Kurambi Amma, elle est la mémoire de Mahé et de ses légendes. Depuis sa véranda, elle voit la ville se transformer et ses amis disparaître marquant ainsi la fin d'une époque. Kurambi Amma est devenue veuve prématurément. Grâce à son ami d'enfance métis Leslie Sahib, avec qui elle aimait partager son tabac à priser, elle a pu obtenir pour son fils unique, un poste de scribe au palais de justice. Le second personnage est son petit-fils Dasan, que le lecteur suit de sa naissance jusqu'à ce qu'il devienne adulte. Dasan est un excellent élève, ses parents et sa grand-mère ont l'espoir qu'il deviendra un grand homme et qu'il sortira sa famille de la pauvreté, peut-être vivra-t-il en France. Mais Dasan, impliqué dans le mouvement nationaliste, a d'autres ambitions ...

"Sur les rives du fleuve Mahé" débute alors que Mahé était encore une colonie tranquille, où tous les habitants vivaient en (presque) parfaite harmonie, chacun avec ses singularités. Certes, comme ailleurs, les riches ne se mélangeaient pas forcément avec les gens plus pauvres, qui se noyaient dans le toddy, l'alcool local, chez Unni Nair. Par contre les fêtes religieuses, tant qu'hindoue que chrétienne, étaient célébrées par tous. Seuls des gens venant de l'extérieur, pour profiter de la détaxe de l'alcool, dérangeaient de temps en temps le calme de la ville.

Pourtant les vagues du mouvement nationaliste commençaient peu à peu à provoquer des remous sur les côtes de Mahé et un groupe dont le but était de libérer Mahé des Français commençait à se former. Un des professeur de l'école commence à partager ses idées à certains de ses élèves, parmi eux Dasan.


"Sur les rives du fleuve Mahé" est un roman complet nous contant la vie (révolue) de Mahé lorsqu'elle était encore une colonie et son accession à son indépendance. Mukundan a apporté à ce roman, nombre de personnages, permettant au lecteur d'avoir un bel aperçu sur les gens qui vécurent à Mahé mais également sur les croyances locales qui bercèrent cet ancien petit bout de France sur la côte de Malabar. Grâce à ce roman, Mahé n'est plus un simple nom d'une ancienne colonie mais elle prend vie sous nos yeux. Ce roman permet également de découvrir un autre mouvement d'Indépendance que celle mené par Gandhi et Nehru dans le reste de l'Inde. "Sur les rives du fleuve Mahé" est le seul roman de Mukundan qui a été traduit en français, il est un des rares romans sur Mahé, il est donc bien dommage ne pas le lire, d'autant plus que l'écriture de Mukundan vous transporte.

Dasan se regarda à nouveau. Il y a longtemps, mon âme était une libellule, qui voletait au-dessus de Velliyan Kallu. Perdu dans ses pensées, il se laissa gagner par un sentiment d'émerveillement face au mystère de la vie et de la mort. [Page 74]

 

Sur les rives du fleuve Mahé

De Maniyambath Mukundan

Titre original : Mayyazhi puzhayute Theerangalil

Traduit de l'anglais (Inde) par Sophie Bastide-Foltz


Éditions Actes Sud - Collection Lettres indiennes - Date de parution : Novembre 2002

ISBN : 9782742740925 - 297 pages - Prix éditeur : 23 €


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