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" Une fois de plus, il joue sur les mots pour justifier sa duplicité.
- Tes poèmes m'accusent. Mes poèmes m'accusent. Il y a une différence entre la haine qui alimente tes textes et l'autocritique qui sous-tend les miens. Tes poèmes me cataloguent et me mettent dans une case, alors que mes poèmes s'efforcent d'aller au-delà de mes faiblesses.
Tout est dit. Dans ce mariage où je suis la femme battue, il est le poète. Voici les premiers vers d'un de ses textes :
Quand je te frappe,
Le camarade Lénine pleure.
Je pleure, il chronique. L'institution du mariage crée sa propre division du travail. "
Page 91
Avant de rencontrer cet homme qui devint rapidement son mari, puis son geôlier et son bourreau, la narratrice a passé de belles années au Kerala où elle a effectué un cursus universitaire pour devenir écrivain. Un énorme chagrin d'amour l'a fait quitter cette région qu'elle aimait tant, où tout lui rappelait trop intensément cet amour perdu. Vers l'âge de vingt-six ans, elle revient vivre chez ses parents à Chennai. Fragile, vulnérable, c'est à cette époque qu'elle rencontra cet homme qui sur le papier, pouvait être idéal : universitaire et penseur marxiste reconnu. A la plus grande joie de ses parents, le mariage eut rapidement lieu. La jeune femme quitta le Tamil Nadu pour aller vivre auprès de son mari à Mangalore dans l’État du Karnataka où elle ne connaît ni la langue, ni d'ailleurs personne. Dès que le mariage fut prononcé, l'homme montre son vrai visage et la femme comprend qu'elle vient d'emménager dans une prison loin d'être dorée. Fidèle à la doctrine marxiste, il exige que son épouse devienne la parfaite femme du peuple, une épouse modèle, un camarade. Débute pour la jeune femme nombre de restrictions et d'obligations. Elle devra dorénavant porter des vêtements informes et ternes, ne plus souligner ses yeux de khôl et avoir une coiffure sage, les appels téléphoniques devront être limités avec ses parents et être cessés avec les autres, ses sorties et ses rencontres encadrées, ...
Puis les restrictions deviennent de plus en plus sévères : l'accès aux réseaux sociaux sera interdit, son téléphone et son ordinateur seront surveillés et leur accès limité, exercer son métier d'écrivaine banni ... Et avec les restrictions et les injures, commenceront les coups, de plus en plus violents, avec tous les objets de la maison, fusant pour un ou pour un non. Puis viennent les viols, commis en toute impunité, répétés, bestiaux, nuit après nuit. La narratrice vivra un véritable cauchemar. Mais comment parviendra-t-elle à survivre fasse à ce déchaînement de violences physiques et verbales. Mais surtout comme pourra-t-elle se sauver de cette homme cassant, violent et destructeur ?
Son mari a pris possession de son corps, mais il n'a pas encore pris possession de son esprit. Pour lutter contre ses souffrances, la jeune femme commence à écrire des histoires dans sa tête, à ses amants d'abord. Ainsi, elle évade son esprit pour mieux supporter la souffrance et l'horreur. Cette évasion lui permet d'analyser sa situation et de chercher une issue.
"Quand je te frappe" est le récit de cette lutte, de cette survie, de ce drame. A chaque étape, on se demande comment cela pourrait être pire mais finalement ce qui suit est encore plus brutal que la fois précédente. Pour nous protéger de ce flot de violences, elle nous invite à traverser ces épreuves dramatiques en nous nous réfugiant dans son monde intérieur poétique et délicat. Mais ces violences conjugales sont si abominables, les mots employés par la narratrice sont si terribles qu'elles ne peuvent que nous toucher au plus profond de nous. Ce roman nous fait prendre conscience des sévices, de l'horreur, que subissent par ces femmes en Inde et à travers le monde, parfois pour des détails qui n'ont pas d'importance à nos yeux et pourtant qui le sont aux yeux d'un bourreau. "Quand je te frappe" est un roman poignant. Il ne peut pas nous mettre à la place de ce que subissent ces femmes, mais nous permet au moins de prendre conscience de cette spirale infernale.
Quand je te frappe
De Meena Kandasamy
Titre original : When I Hit You
Traduit de l'anglais (Inde) par Myriam Bellehigue
Date de parution : 4 mars 2020
Éditions Actes Sud - Collection Lettres indiennes -
ISBN : 9782330133993 - 254 pages - Prix éditeur : 22 €
De la même auteure :
La colère de Kurathi Amman
De Meena Kandasamy
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