Quand Rupak était enfant, il n'y avait pas de climatiseur, seulement un grand ventilateur qui faisait beaucoup de bruit sans parvenir à refroidir l'air ambiant. Leur télévision n'avait pas de télécommande. L'Inde où il avait grandi n'était ni riche ni pauvre. Il n'y avait pas de grandes villas ni de mariages hyper luxueux, mais pas non plus de bidonvilles, de coupures d'eau, ni d'enfants forcés à travailler. Cette classe moyenne était trop compliquée à décrire à des étrangers. Ce n'était ni suffisamment exotique ni suffisamment familier.
Cela faisait un peu plus de deux ans que Monsieur Jha est devenu riche en vendant son site internet pour vingt millions de dollars américains. Après avoir vécu avec sa femme et son fils unique, Rupak, près de vingt-quatre ans dans un appartement d'une résidence poussiéreuse de Mayur Palli dans l'East Delhi, il vient d'acheter un charmant pavillon à Gurgaon, l'un des quartiers les plus riches de Delhi. Le déménagement est imminent. Alors que Monsieur Jha se réjouit de quitter Mayur Palli car il pourra enfin jouir d'un bon confort et de beaucoup d'intimité, Madame Jha est plus anxieuse. L'appartement de Mayur Palli a vu son fils grandir et son amie et voisine, la jeune veuve Madame Ray va terriblement lui manquer. De plus, elle ne sait pas comment elle arrivera à s'intégrer dans son nouveau quartier où les gens sont très différents.
De Mayur Palli à Gurgaon - Composition atasiblog
"Pauvres millionnaires" est le premier roman de Diksha Basu, qui est auteure mais également comédienne. Dans ce roman, elle nous transporte à Delhi mais également dans l’État de New-York où est scolarisé le fils de la famille Jha. Le titre pourrait rendre un futur lecteur sceptique car il pourrait appréhender à ce que le roman soit superficiel. Pourtant, "Pauvres millionnaires" est loin de l'être. On y découvre un couple indien qui, avant de devenir millionnaire, faisait partie d'une classe que l'on qualifierait de moyenne en France. Avant d'être millionnaire, Monsieur Jha touchait le salaire moyen en Inde soit environ deux cents dollars par mois. Madame Jha, contrairement à d'autres femmes indiennes, travaillait non pas nécessité ou par obligation, mais avant tout par passion pour son travail. Elle s'est finalement résolue à démissionner lorsque la bonne fortune a frappé à leur porte mais uniquement dans le but de se consacrer du temps à gérer cette nouvelle rentrée d'argent. Concernant leur fils unique, les époux Jha avaient envoyé Rupak dans une très bonne école privée du centre de Delhi afin qu'il réussisse dans les études et malgré le coût d'une telle école. Mais un évènement inattendu, une subite rentrée d'argent, leur font poser une question "Comment fait-on quand on est riche ?". Leur plaisir est simple, acheter une maison, inscrire leur fils dans une bonne école aux États-Unis et s'offrir une nouvelle voiture. Rien d'extravagant. Mais quitter East Delhi où ils avaient leurs habitudes pour Gurgaon, est un saut dans l'inconnu. Le quartier où ils ont vécu la majeure partie de leur vie et le nouveau où ils vont emménager sont deux mondes différents à tout point de vue. Mais les Jha sont restés et resteront des gens simples. Même s'ils n'ont pas le profil de gens fortunés, ils arriveront tout de même à avoir la sympathie de leur nouveau voisin, Monsieur Chopra, un homme richissime qui a toujours vécu dans le luxe et la dépense. Ce nouvel emménagement aura des répercussions bien au-delà de leur cocon familial.
"Pauvres millionnaires" est un roman très agréable à lire, il a été écrit avec beaucoup d'humour et un soupçon d'autodérision, il est très divertissant. De nombreux personnages y prennent la parole afin de nous livrer leur point de vue. Ce sont tous des personnages très attachants. Les Jha sont une famille avec un esprit assez moderne. "Pauvres millionnaires" est un roman différent qui ont été publiés jusqu'à présent par les Éditions Mercure dans le domaine de la littérature indienne. "Pauvres millionnaires" est pourtant le reflet d'un cas de société très présent en Inde aujourd'hui, axé sur le thème de l'élite de la "The new Indian middle class", une classe émergente que l'on pourrait plutôt classer de bourgeoise. Il s'agit souvent de sujets, tout comme Monsieur Jha, qui ne sont pas issus d'une lignée de gens fortunées mais qui deviennent subitement richissimes, simplement grâce au facteur chance et surtout grâce au développement de l'internet. Ce roman lève également le sujet de ces jeunes indiens quittant le cocon familiale pour faire des études à l'étranger, un sujet que l'on retrouve souvent dans les romans écrits par des auteurs issus de la diaspora indienne. Ce roman soulève également la question du veuvage en Inde.
"Pauvres Millionnaires" dont son titre original est "The Windfall" est traduit dans quinze pays, est adapté pour la télévision américaine par la Paramount.
Pauvres Millionnaires de Diksha Basu
Titre original : The Windfall
Traduit de l'anglais (Inde) par Antoine Bargel
Éditions Mercure de France - Collection Bibliothèque Étrangère
Date de parution : 15 mars 2018 - ISBN : 978-2-7152-4553-2 - 349 pages - Prix éditeur : 23,50 €
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