C'est justement ce qui nous irritait depuis l'enfance. "Parle, Maman, bats-toi, sois ce que tu veux être." Maman n'était pas de ce genre. Ombre penchée, muette, timorée, qui ne se mettait en mouvement que pour satisfaire aux désirs des autres. Nous étions pleins de compassion. Et aussi exaspérés.
"Maï, une femme effacée" est l'histoire d'une mère de famille racontée par sa fille Sounaina. L'aînée y partage - sans réelle chronologie - la vie à la maison et son enfance aux côtés de Soubodh, son petit frère, de deux ans son cadet. Elle avoue, que dès leur plus jeune âge, ils prirent conscience de la vie de servitude de leur mère, dominée par un mari volage, des beaux-parents au caractère fort : Grand Père, qui aimait être adulé et être pris pour un seigneur, lui qui avait été un grand propriétaire terrien avant de donner ses terres à son fils, son enfant-roi et Grand-mère, une femme odieuse avec sa belle-fille, toujours à râler et ayant oublier comme la vie lui avait été difficile après son mariage, elle qui a souffert de violence conjugale.
Durant son enfance, Sounaina espérait que sa mère face front à ces odieuses personnes car elle pouvait être une autre femme. Cette autre femme était celle que Sounaina retrouvait avec son frère uniquement derrière la porte de leur chambre, celle qu'ils partagèrent tous les trois. Dans ce huit-clos où ils formèrent un trio, leur mère pouvait enfin respirer, se libérer du poids de la journée et montrer sa vraie nature. Leur mère adorait ces moments de complicité avec ses enfants, où elle leur racontait des histoires et échafaudait des plans d'évasion pour qu'ils puissent jouir d'un peu de liberté par-ci par-là.
"Maï, une femme effacée" est l'histoire de ces nombreuses femmes qui sacrifièrent leur vie et leur liberté dans l'espoir de donner à leur progéniture une vie meilleure. "Maï, une femme effacée" est également l'histoire d'une famille traditionnelle qui mue au fil des années. Il y a les enfants qui quittent le foyer pour vivre ailleurs, parfois au-delà des océans, des parents qui vieillissent et dont il faut toujours prendre plus soin, l'arrivée d'un nouveau mode de vie dans le foyer jusqu'à la maison devienne une coquille vide.
"Maï, une femme effacée", Maï" signifiant mère, traduit dans de nombreuses langues dont le serbe et le coréen peut paraître fade à certains lecteurs face à "Ret samadhi" qui a été écrit après car l'histoire contée par Sounaina est monocorde et manque de rebondissements. Pour autant, ce roman peut se révéler intéressant et certains lecteurs y trouveront une certaine profondeur. C'est un roman sur le sacrifice d'une génération pour la suivante, celle d'une femme soumise, une femme indienne qui essaye d'être la bonne épouse, la bonne bru et une bonne mère tout simplement. Une histoire simple sur une femme d'une ancienne génération. C'est également l'histoire d'une évolution dans les foyers indiens, avec l'arrivée d'appareils censés apporter le confort.
"Maï, une femme effacée" permet d'y découvrir l'un des premiers romans de l'autrice en langue hindi Geetanjali Shree, une histoire où les femmes sont en avant-plan.
Maï, une femme effacée
De Geetanjali Shree
Titre original : Mâî
Roman shortlisted pour le Crossword Book Award en 2001
Traduit du hindi par Annie Montaut
Editions des femmes, Antoinette Fouque - Date de parution : 16 mai 2024 - ISBN : 9782721013217 - 256 pages - Prix éditeur : 22 € - Ebook 16,99 €
Précédante parution
Éditions Infolio - Collection : Littérature de l'Inde - Date de parution : 13 novembre 2008
ISBN : 978-2884748995 - 248 pages - Prix éditeur : 20,30 €
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