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"Les Dieux du tango" de Carolina De Robertis

Durant les nombreuses années qu'il lui restait à vivre sur ce nouveau continent, elle verrait des choses qui la stupéfieraient, la briseraient en mille morceaux pour mieux la reconstruire, sous des formes qu'elle n'aurait pas crues capables d'abriter une âme humaine. Mais jamais elle ne reverrait sa famille.


C'est en date du 4 février 1913 qu'accosta en Argentine, Leda, dix-sept ans, après trois semaines de traversée depuis Naples et avec comme seul bagage une malle.  Une malle dans laquelle s'y trouve rangé précieusement le violon de son père, un violon transmis de génération en génération et qui, d'après la légende, avait appartenu des siècles plutôt au roi de Naples. A Buenos Aires, elle doit y retrouver son cousin Dante qu'elle a épousé par procuration avant son départ de son petit village d'Alazzano. Mais à son arrivée, elle sera accueillie par Arturo, un ami à son mari. Elle apprendra que Dante est mort, assassiné par des policiers lors d'une manifestation d'anarchistes. Leda se retrouve seule dans cette ville qu'elle ne connaît pas, où elle n'y connaît personne et loin de son pays natal. Pourtant, elle décide de ne pas retourner en Italie maintenant qu'elle a goûté à ce vent de liberté. Mais une femme seule, veuve, ne peut pas survivre à Buenos Aires, à moins de finir dans une maison close. Il reste donc à Leda la musique. Mais encore une fois, une femme n'a pas à jouer d'un instrument et de fréquenter les lieux où l'on en joue. Leda n'a pas d'autre choix que de devenir devenir un homme et changer d'identité, Leda deviendra alors Dante. Avec l'argent que ses parents lui ont envoyé afin qu'elle revienne en Italie, Leda quitte le conventillo qui l'a accueilli pour disparaître dans Buenos Aires avec uniquement son violon et les habits d'homme qu'elle porte sur elle. La Buenos Aires sombre et dangereuse, cette ville où se déverse chaque jour de nombreux immigrés européens et où le tango commence à quitter les bars miteux et les bordels pour toucher toutes les couches de la société. Leda est dorénavant Dante, Leda est dorénavant un homme et fait ce que les hommes font : travailler, fumer, boire et fréquenter les femmes.  Elle vit comme un homme et en vient à penser comme un homme. Leda devenue Dante réalise son rêve, celui de faire de la musique, de vivre à travers elle, pour le meilleur et pour le pire.


"Les Dieux du Tango" est un roman qui nous transporte au début du XXème siècle à Buenos Aires en Argentine à la découverte de l'histoire du tango. Buenos Aires qui est alors un port où s'y étaient déversés des esclaves africains avant qu'ils ne laissent leur place à un flot d'immigrés d'origine européenne : italiens, espagnols, français, portugais, polonais et bien d'autres. C'est de ces influences que sont nés une musique puis une danse, le tango. Au début du XXème siècle, le tango avait été une musique liée aux bordels et aux couches les plus défavorisées, très présente dans la ville. Durant cette époque d'immigration massive, Buenos Aires était une ville composée par une majorité d'hommes. Les femmes, rares, qui y vivaient, devaient être confinés dans les conventillos, ces maisons de maître délaissées par les riches suite à une épidémie et où y vivent alors et s'y entassent les immigrés. Les femmes ne devaient jamais s'en éloigner car le danger régnait dans les ruelles de Buenos Aires : violences, viols, kidnappings, ... Les femmes qui  fréquentaient les lieux où se jouaient la musique et donc les hommes, étaient considérées comme des femmes de petite vertu. A cette époque, le monde du tango était alors un monde d'hommes où seules les prostituées pouvaient y pénétrer. C'est pourquoi Léna, le personnage principal, a décidé que pour survivre dans ce nouveau monde et ne pas tomber dans la prostitution, elle devait indéniablement se transformer en homme et faire comme eux, travailler dur. Heureusement pour elle-lui, elle-il trouvera très rapidement un travail au sein d'un orchestre après une brève période de travail dans une manufacture de tabac. Léna n'aura pas de limites, à part celle de ne jamais réveiller les soupçons sur son sexe : ne jamais révéler son corps en cachant ses seins sous un bandage serré, essayer de trouver une chambre seule, utiliser une chaussette pour faire l'illusion de posséder un sexe masculin, abandonner les chiffons servant pour ses menstrues à travers la ville. Des secrets très difficiles à maintenir car dans les conventillos, avoir une vie privée n'existe pas et posséder une chambre seule, un luxe. Dans "Les Dieux du Tango", le lecteur découvrira l'évolution du tango à travers les années et les modes. Réservé d'abord aux basses couches de la société, le tango intéressera de plus en plus les couches plus aisées. Le tango sera alors joué dans des lieux toujours plus luxueux et s'exportera jusqu'en Europe. Le lecteur découvrira également l'évolution du tango à travers l'intégration dans cette musique de nouveaux instruments comme par exemple le piano. Il découvrira également que le tango chanté viendra par la suite, tout d'abord interprété par les hommes puis tout doucement par les femmes à l'image de Rosa, une précurseure, qui contrairement à Léna restera femme. Léna qui par son personnage, nous fera découvrir l'histoire de cette musique. "Les Dieux du tango" est un roman sensuel et féministe. A contrario, c'est un roman très animal, très masculin, très macho. C'est un roman qui reprend l'histoire contemporaine d'un pays, l'Argentine, et ce qui a forgé son identité. Vous l'aurez compris en lisant cet article que ce roman reprend l'histoire d'une musique et d'une danse, le tango. Les personnes intéressées par l'Argentine et le tango ne pourront qu'être conquises. C'est d'ailleurs ces points qui m'ont donné envie de lire cette histoire et de la lire jusqu'au bout, alors que j'ai eu, je l'avoue, du mal à m'y accrocher. "Les Dieux du tango" c'est avant l'histoire d'une femme. Une femme qui décide de devenir une autre personne, un homme, au point de perdre entièrement son identité pour s'immerger intégralement dans le rôle qu'elle s'est inventée. Une femme qui aime les femmes, dans une époque où être une femme est en soi déjà difficile. Son amour pour les femmes se dévoilera au fur et à mesure des fréquentations de Léna dans les maisons closes, ou elle tombera en admiration devant le corps des femmes, alors qu'elle accompagne ses compagnons d'orchestre. Mais son rôle d'homme et son amour pour les femmes auront une limite, celle de sa physionomie. Une autre femme hantera tout le roman, Cora la cousine à Lena et soeur à Dante, décédée dans des circonstances troublantes peu avant que Dante fera le choix d'aller en Amérique. Cora sera omniprésente dans les pensées de Leda et influencera les choix qu'elle fera, car ce que Leda a entrepris c'est surtout à cause de ce que des gens ont fait à sa cousine. "Les Dieux du tango" c'est aussi l'histoire des immigrés qui se sont rendus en Amérique du Sud en espérant trouvé une vie meilleure. Et pourtant, ce que Buenos Aires a à leur offrir et bien loin des promesses. "Les Dieux du tango" c'est surtout une page d'histoire qui nous ai livré et c'est indéniablement l'atout majeur. Pour ce qui est du reste, personnellement j'ai eu du mal à adhérer sans doute trop loin de ce que j'ai l'habitude de lire.




 

Les Dieux du tango

De Carolina de Robertis

Titre original : The Gods of Tango

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Éva Monteilhet

Éditions "Le Cherche Midi" - Date parution: 18/05/2017 - ISBN : 9782749152646 - ISBN numérique : 9782749152677 - Nombre de pages: 504 - Prix éditeur format papier : 22 € - Prix éditeur format numérique : 17,99 €





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