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Les derniers flamants de Bombay de Siddharth Dhanvant Shanghvi

Karan n'avait jamais rien vu de semblable aux vasières de Sewri : sur cette vaste étendue criblée de cratères, d'immenses mares emplissaient les creux des ondulations de la terre saturée d'eau. Cela lui rappela les premières photos du sol lunaire. Dans la douce lumière d'un jour nouveau, des flamants jusqu'à l'horizon, sur leurs échasses, avec leurs grandes ailes aux plumes dentelées, rose fébrile à la pointe ; avec leurs becs recourbées en crochets de pirate, ils perçaient avec diligence le limon et piochaient l'air de leurs cris d'oie peu mélodieux.
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Karan Seth à 25 ans, est descendu de sa ville de Shimla pour venir à Bombay en quête d'images qui révèleraient les histoires les plus secrètes de la ville et ainsi en constituer des archives. Afin de pouvoir subvenir à ses besoins, il avait accepté de travailler comme photographe pour un magazine célèbre, le "India Chronicle". Iqbal Syed qui l'a recruté, avait tout de suite remarqué en Karan un talent exceptionnel et un avenir prometteur dans le monde de la photographie. Un jour, Iqbal donna à Karan une mission difficile mais qui alla bouleverser sa vie au jeune photographe. Il devait à tout prix photographier Samar Arora, un jeune pianiste virtuose qui a tout plaqué du jour au lendemain et qui se laissait depuis difficilement approché. Mais heureusement Karan a saisi l'opportunité de le photographier après avoir galéré un long moment. Commencera entre les deux hommes, une timide mais solide amitié. Mais Karan se rapprochera surtout de Zaira, grande star de Bollywood et meilleure amie de Samar. Indirectement, grâce à Zaira, il rencontrera Rhea, une femme mariée, qui lui fera découvrir les recoins de Bombay et avec qui il entretiendra une relation intime. Un nouveau monde s'ouvrira alors pour Karan.

Mais Zaira se fera assassiner par un homme qui la harcelait depuis longtemps. Ce meurtre sèmera un tourbillon dans la vie de ses amis, aggravé avec le procès qui suivra. Le procès sera un fiasco où le père de l'assassin, un ministre au bras très long, aura fait le nécessaire pour que son fils n'aille pas en prison en soudoyant tous les témoins, policiers et juges. Seuls Kamar et Samar voudront que l'assassin paye pour leur avoir enlever Zaira, mais chacun de son côté touchera le fond et la vie d'insouciance qu'il avait eue avant le meurtre sera pour toujours évaporé, laissant à leur vie un goût amer.





"Les derniers flamants de Bombay" nous fait plonger de plain-pied dans Bombay côté faste de la ville et un tantinet superficiel. On y découvre son côté strass et paillettes, provocation et débordement mais y est mis en avant des malaises dans lesquels certaines personnes baignant dans ce monde à part peuvent porter. Y est dépeint à titre d'exemple la recherche de soit, les relations complexes de l'amitié, l'homosexualité, l'homophobie, le harcèlement mais surtout le fort pouvoir de la corruption qui a lui seul peut démonter tout un procès et entraîner avec un lui un sillon d'incompréhension. L'auteur s'est inspiré d'un fait réel, le meurtre de la star bollywoodienne Jessica Lal assassinée dans les mêmes conditions que Zaira en 1999 et le scandale du procès du meurtrier, lui-aussi fils d'un homme politique. Le roman essaye de suivre les courbes de l'histoire indienne, on peut remarquer que quelques faits historiques sont mentionnés et l'on ressent la métamorphose de Bombay au même titre que ses personnages principaux. "Les derniers flamants de Bombay" est un roman divisé en trois parties. La première met en place le récit - présentation des personnages et caractères, les amitiés et les nouvelles amitiés, la découverte par Karan de la ville de Bombay - et s'achèvera avec le meurtre de Zaira. Dans la seconde, le meurtre de Zaira, son procès, ses répercussions sur ses amis qui seront bouleversés, les malversations et pots-de-vin, la médiatisation du procès seront les sujets principaux. Enfin dans la dernière partie, les années ont passé, de l'eau aura coulé sous les ponts, chacun aura pris sa propre direction dans la vie mais Bombay retrouvera les flamants qui avaient migré. Le roman n'est pas axé uniquement sur Karan, sa place de premier rôle sera de temps en temps échangée avec d'autres personnages. L'amitié et l'amour sont présents mais l'auteur n'a pas oublié d'ajouter un brin de sensualité dans les relations entre ses personnages et un brin d’excentricité. J'ai trouvé sa lecture assez agréable, sincèrement je ne pensais pas que j'apprécierais autant le livre, pensant qu'il restait seulement basé sur le monde de Bollywood. On peut certes d'emblée deviner que Zaira se fera assassiner, que le procès sera un véritable fiasco mais le reste de l'histoire restera une surprise. On ne découvrira qu'en lisant le roman à quel point le psychique de certains personnages seront mis à rude épreuve. La dernière partie aurait mérité d'être plus clair et moins rocambolesque. Mais cela reste un roman qui se lit bien.




Le petit ami de Samar, Léo Mac Cormick, venait de demander à la jeune auteure son opinion sur les récentes manœuvres du gouvernement réactionnaire de l’État du Maharashtra visant à rebaptiser "Bombay" en "Mumbai", sa façon de donner à la mégapole un coup de badigeon. "Dans le genre nom de villes, "Mumbai" a tout le charme de "Gonorrhée", déclara Mantra. Sans compter que le changement polluera la mémoire collective de Bombay." Il ne fallut que quelques minutes au trio pour s'exciter sur cette profanation programmée, mais un autre point de vue fit irruption dans le débat lorsque Priya Das, nouvellement élue députée de la majorité incriminée, se joignit à la conversation. "Mumbai" était l'ancien nom de Bombay", fit-elle remarquer d'un air pincé, faisant allusion au fait que les Kolis, l'une des premières communautés à avoir habité le chapelet d'îlots, l'avaient baptisé en l'honneur de la déesse Mumbadevi. Et il s'agit de reprendre notre passé aux colonialistes." Mantra poussa un soupir retentissant. "Voyons, Priya, il y a un viol par heure à Bombay. Plus de la moitié de la population vit dans des bidonvilles. Des gamines de douze ans se prostituent. Les trains ne sont jamais à l'heure. Mon lait est coupé avec une eau douteuse. - Et alors ? ... - Et alors, les Rosbifs ont plié bagage il y a quarante ans. Le passé est important mais le présent est crucial. Rebaptiser Bombay, ça ne va pas rendre la ville plus sûre ni plus propre. - Tu n'as aucun sens de l'authenticité !" hurla Priya. Mantra songea que Priya avait l'aménité des bibliothécaires bourrues dont le seul salut était le gode. "Quelle authenticité ? Les Kolis l'ont appelé "Mumbadevi" vers 1800. Si c'est de l'authentique que tu cherches, il te faudra remonter beaucoup plus loin que ça. Bombay a été fondé au XIIème siècle !" ... [...]
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Les premiers temps de sa relation avec Samar lui rappelaient la mousson : de violentes bourrasques avaient ouvert les portes verrouillées de son âme ave une rage titanesque, prompte à tout transformer sur son passage. Elle s'était épanouie, car elle avait enfin rencontré un homme capable de faire des claquettes, de préparer une frittata et d'ouvrir les bras assez grand pour qu'elle s'y sente en sécurité. Plus elle passait du temps en sa compagnie, se réveillant sur son vieux canapé défoncé, plus le soulagement la pénétrait, jusqu'aux os.
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Au cours de sa longue carrière politique, le ministre Prasad avait eu si souvent affaire à la loi qu'il était désormais parfaitement aguerri aux rouages de la machine légale indienne. Il s'était toujours sorti avec brio d'accusations d'extorsion, de bourrage d'urnes, de vandalisme, de meurtre, de détournement de fonds publics, d'incendie volontaire. Chaque affaire avait été riche en enseignements, lui avait appris à tourner son avantage les vides juridiques, à éviter les coups, à contourner les difficultés au plus haut niveau. Sa réputation dépassait largement les milieux politiques.
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Au début, la douleur de Zaira se manifesta par des crescendos aigus qui décroissaient par saccades : pui elle se déchaîna, devint gigantesque : pour finir, elle s'échappa en ondes bleues, océaniques, sur lesquelles Zaira flotta, échappant au temps présent pour y replonger bientôt, puis le quittant à nouveau, et ainsi de suite. Son corps révéla tous les codes des ses fonctions : nerfs reliées au méridiens, chair consciente des os, veines palpitant suivant le flux du sang qui fusait dans d'innombrables, d'étroits toboggans verdâtres. Éblouie par la perfection de la forme humaine, elle se retrouva enveloppée dans un bourdonnement creux et continu, comme si on avait prolongé indéfiniment l'incantation Om. De la masse bleue du fourreau protecteur du vocable chaleureux et béni, Zaira émergea pendant un instant et vit l'homme qui la dévisageait : les deux yeux liquides qui, un jour, l'avaient attiré sous un dais de palmes dans un jardin sauvage.
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Il avait fui Shimla et adopté Bombay pour se débarrasser de son passé. Dans la mégapole, il s'était épris d'amour et d'amitié. Lorsque le monde lui avait éclaté à la figure, il avait fui en Angleterre pour se faire refaire une peau épluchée par ce qu'il avait en son for intérieur, fini par baptiser "ces évènements bizarres qui se sont déroulés à Bombay".
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Les derniers flamants de Bombay

De Siddharth Dhanvant Shanghvi

Titre original : The Lost Flamingoes of Bombay

Traduit de l'anglais par Bernard Turle

Éditions des 2 Terres - Broché - Date de parution : 25 août 2010 - 468 pages - ISBN : 978-2848930831 - Prix éditeur : 22,50 €

Éditions des 2 Terres - Poche - Collection 10/18 domaine étranger - Date de parution : 16 mai 2012 - 499 pages - ISBN : 978-2264054609 - Prix éditeur : 9,10 €





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