La chaleur matinale laisse présager une chaleur plus grande encore. Au-delà du marais qui sent l'eau stagnante, ils passent devant des arbres vénérables recouverts de vigne vierge. Des maniocs gigantesques. Des poivriers sauvages. Des cascades violettes d'acuminus. Devant un scarabée bleu foncé en équilibre sur un brin d'herbe qui ne plie pas sous le poids. Devant des toiles d'araignées géantes qui ont résisté à la pluie et courent comme des rumeurs colportées d'un arbre à l'autre.
Rahel Kochamma, la trentaine, revient dans la maison de son enfance à Ayemenem dans le Kerala. C'est un jour de pluie. Elle va enfin retrouvé son frère Estha qu'elle n'a pas revue depuis longtemps. Ce dernier, solitaire, s'est peu à peu muré dans le silence et a de plus en plus des comportements étranges. Estha est émue de son retour dans la maison familiale où vivent encore sa grande-tante Baby Kochamma - qui n'a jamais eu de l'affection pour les jumeaux - et la cuisinière Kochu Maria qui ne font rien d'autres de leur vie que de regarder la télévision.
La maison est dorénavant à l'abandon, une vieille voiture est garée depuis longtemps dans la cour comme oubliée, la conserverie derrière la maison n'a pas fait de conserves depuis des décennies et le jardin est le royaume des mauvaises herbes.
La maman des jumeaux est décédée, seule, dans la détresse et la déchéance après un drame. Elle a eut une vie difficile. Une de ces grandes épreuves, était de divorcer du père de ses enfants, un alcoolique. Dans une Inde des années 1960, il a été difficile pour elle de revenir vivre dans la maison familiale avec son nouveau statut. Pourtant, entre deux épreuves, elle connaîtra tout de même une parenthèse de bonheur.
Avec son retour dans la maison familiale qui se trouve au Kerala, un État du Sud de l'Inde où l'auteure elle-mème a grandi, les souvenirs de Rahel, la protagoniste de ce roman, réapparaissant dans son esprit. Plus que le présent, c'est le lourd passé qui revient sans cesse dans le récit. Une année importante est l'année 1969, Rahel avait alors 8 ans. Cette année-là, avec sa mère, l'oncle Chacko et son frère, ils s'étaient rendus à Cochin voir un film avant de chercher leur cousine anglaise Sophie Moll venue pour la première fois en Inde avec sa mère après le décès de son beau-père. Le personnage de l'oncle Chacko est intéressant. Le lecteur découvre qu'il a développé la conserverie familiale en une petite usine, que c'est un grand coureur de jupon et que la porte de sa chambre donne directement sur l'extérieur de la maison et surtout que c'est lui qui faisait la pluie et le beau temps dans la maison. Le roman nous fait également découvrir les habitants de ce village dont les voisins . Le personnage de Velutha, intouchable, est est intéressant. Car il était très habile de ses mains notamment avec le bois, il apportait de nombreux services surtout de bricolage à la fabrique. Dans tout le livre, on entend souvent parler de la "Journée de la Terreur", cette journée qui bouleversera la vie de tous les membres de cette famille et notamment celle des jumeaux et de leur mère. Le mystère autour de cette "Journée de la Terreur" régnera tout le long du roman et le suspens reste entier. Arundhati Roy laisse au lecteur le soin de résoudre un puzzle autour de cet évènement. "Le Dieu des Petits Riens" aborde de nombreux sujets : pédophilie, intouchabilité, divorce, corruption, grèves, poids des traditions, etc. Le lecteur se délectera de la finesse dans laquelle sont décrites les différentes scènes : le fleuve derrière la maison, les effluves émanant de la conserverie Paradise, ...
"Le Dieu des Petits Riens" est un incontournable de la littérature indienne. C'est une histoire touchante, triste, .. Un drame familial dans ses moindres replis.
"Le Dieu des Petits Riens" de Arundhati Roy
Titre original : The God of Small Things
Traduction de l'anglais (Inde) par Claude Demanuelli
Première parution en 1998
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