Celle-là, là-bas, c'est le Kangchenjunga, dit-il montrant le plus haut sommet de la longue chaîne. Dans la langue du peuple tibétain, ce nom signifie : "les cinq joyaux de la neige éternelle". A en croire la tradition, le dieu tibétain de la richesse y détient ses trésors : l'or, l'argent, le cuivre, le blé et les écrits sacrés. Les Hindous croient qu'il est le mont Kailash, la montagne d'argent sur laquelle vit Shiva. Tous les dieux et les démons résident dans cette montagne. Aussi les hommes la considèrent-ils comme sacrée. Il est dit que les péchés des hommes disparaissent à la vue de l'Himalaya de la même manière que la rosée s'évapore avant le lever du soleil.
Mourir de chagrin dans les Cornouailles, c'est ce qui est arrivé au père d'Helena après avoir perdu sa douce épouse Celia décédée en couche quelques années plus tôt. En mourant, il offre en héritage à Helena et à Jason ses enfants, la misère un coin abandonné dans un pays austère et un paquet de dettes.
Le lendemain de la mort de son père, Helena s'aéra l'esprit en chevauchant son cheval au bord de la mer. Alors qu'elle était dans ses pensées, un homme surgit derrière elle. Elle découvrira quelques jours plus tard que cette rencontre furtive changera son destin et celui de son frère.
Ian Neville est un mystérieux homme célibataire qui vit essentiellement en Inde où il possède une plantation de thé au Darjeeling. Il quitte de temps en temps l'Inde pour Londres, toujours accompagné de Mohan. Très riche, beaucoup de femmes souhaiteraient l'avoir comme époux ou comme beau-fils. Dès l'instant où Ian croisa ce chat sauvage au doux nom d'Helena, il avait décidé qu'elle sera sa femme. Mais cette dernière était fermement opposée à l'épouser. Ian eut un argument de poids, avec ce mariage Helena et son frère Jason pourrait conjurer le mauvais sort et sortir de la misère. Helena accepta donc à contrecœur la demande d'Ian.
Après un mariage qui eu lieu quelques jours à peine après la demande d'Ian à Helena, tous deux, accompagnés de Jason et de Mohan, quittèrent les Cornouailles pour Londres, puis Londres pour l'Inde.
En Inde, Helena essayera d'apprendre à connaître l'homme qu'elle a épousé en le suivant d'un coin à l'autre de ce grand pays. Mais Ian reste un homme mystérieux qui peut facilement changer d'humeur et le caractère bien trempé d'Helena le fera sortir régulièrement de ses gonds. Pourtant Ian est fou amoureux d'Helena, il est respectueux et ne veut que le meilleure pour son épouse et son frère mais il exprime mal ses sentiments. Devant le mutisme et les absences d'Ian, Helena, bourrée d'imagination, ne fera pas confiance à son mari et ne réalisera pas la chance qu'elle a de l'avoir épousé. De plus, elle voudra à tout prix connaître le passé de son époux malgré les mises en garde des proches d'Ian. A trop vouloir savoir, elle se brûlera les ailes.
La voiture n'avançait qu'au pas. Le spectacle était impressionnant : marchands étalant leurs marchandises dans la rue, bijoux étincelants, condiments et épices jaunes, orange et verts, ballots d'étoffes roses et bleues, écarlates, vertes ou violettes, couleurs que l'on retrouvait sur la tenue des femmes, des saris, comme le lui expliqua Mohan, sortes de pans de tissu très longs qu'elles enroulaient autour de leur corps, beaucoup se recouvrant la tête de l'une des extrémités ; mendiants en haillons, estropiés, accroupis dans l'ombre des murs ; vaches efflanquées, ruminant avec indifférence et errant parmi la foule innombrable, hommes, femmes, enfants, vieillards de toutes couleurs de peau et de poil.
Ne vous fiez pas à votre première impression. A tord, l'on pourrait imaginer que "Le Ciel de Darjeeling" est un roman à l'eau de rose, une lecture légère, une énième histoire d'une jeune femme anglaise rejoignant son époux anglais en Inde à la fin du 19ème siècle. Pourtant, "Le Ciel de Darjeeling" est un roman bien plus profond, plus recherché, plus travaillé et bien plus subtile qu'il en a l'air. De nombreux éléments en font un roman vraiment très intéressant, riche en informations et disons même original offrant ainsi au lecteur un très bon moment de lecture.
"Le Ciel de Darjeeling" amène son lecteur vers la fin des années 1800. Après un bref passage sur l'île grecque de Céphalonie, dans un village anglais des Cornouailles et à Londres, le lecteur est transporté en Inde : à Mumbai, à Jaipur et ses alentours (Rajputana comme était nommé le Rajasthan à l'époque), au Darjeeling et à Calcutta. Une autre histoire se greffant sur la première, le lecteur aura le plaisir de se retrouver en plus à Delhi et au Pendjab. Contrairement à d'autres romans sur cette époque, dans le "Le Ciel du Darjeeling", les protagonistes de ce roman sont assez atypiques. Même si Helena est issue de l'aristocratie anglaise de par sa mère, elle a été élevée loin de l’opulence, des mondanités et des bonnes manières. Ses parents ont vécu un amour interdit et ils avaient fuit en Grèce pour la naissance de leur premier enfant. Ils sont ensuite revenus en Angleterre où le destin n'a pas joué en leur faveur, tous deux moururent et laissèrent des orphelins. Ian Neville, quant à lui, est un personnage mystérieux et qui porte, tout comme Helena, un passé pesant. Dès les premières pages, le passé d'Helena nous sera conté, celui d'Ian ne se dévoilera que par bribes. Ces bribes feront fonctionner l'imaginaire d'Helena et par la même occasion celui du lecteur. L'on comprendra très rapidement que Ian est un personnage à deux visages, tantôt anglais, tantôt indien. Il a un côté lune et un côté soleil. On apprécie ce personnage car il n'est ni arrogant, ni prétentieux, ni imbu de sa personne, il est fort et courageux, et surtout il voue un énorme respect aux indiens qui d'ailleurs n'ont aucun secret pour lui. Outre ces deux protagonistes, il est bon d'ajouter qu'un autre personnage a un rôle essentiel dans le roman même s'il est secondaire, il s'agit de Mohan. Mohan fait penser à un sage, il apporte le calme lorsque la tempête se déchaîne entre Helena et Ian, il est à la fois le guide et le professeur qui transmet son savoir à Helena ainsi qu'au lecteur de ce roman.
Nicole Vosseler, l'auteure de ce roman, ne lésine pas sur les détails pour faire découvrir à son lecteur une quantité importante d'informations sur l'Inde et sur la situation historique et politique à l'époque. Toutes les occasions sont bonnes pour nous parler de la richesse de ce pays : une nouveau lieu, une fête, une année, un évènement ... Chose peu commune dans les fictions se déroulant au 19ème siècle, Nicole Vosseler s'est particulièrement attardée dans un chapitre sur les évènements qui ont marqué l'année 1857, la révolte des Cipayes qui a des répercussions indéniables sur l'avenir des Indes. Même si l'ensemble de ces informations me sont familiers, je trouve toujours enrichissant qu'un roman offre bien plus qu'une fiction à celui qui le lit. Autre détail intéressant, Ian étant le propriétaire d'une plantation de thé, l'auteure nous fait découvrir la culture du thé, ses légendes et le fonctionnement d'une telle entreprise. Nicole Vosseler nous offre également l'opportunité de vivre durant quelques pages dans un palais du Rajputana et d'autres expériences.
Nicole Vosseler permet à travers ce roman un voyage initiatique, à la fois agréable et enrichissant. C'est un roman à plusieurs tonalités qui lui confère une touche d'originalité. "Le Ciel de Darjeeling" offre à ses lecteurs, une très belle histoire à la découverte du passé d'un homme dont l'Inde coule dans ses veines. Une fiction qui nous fait découvrir l'histoire d'un grand pays à travers les yeux et le cœur de ses personnages.
La voiture n'avançait qu'au pas. Le spectacle était impressionnant : marchands étalant leurs marchandises dans la rue, bijoux étincelants, condiments et épices jaunes, orange et verts, ballots d'étoffes roses et bleues, écarlates, vertes ou violettes, couleurs que l'on retrouvait sur la tenue des femmes, des saris, comme le lui expliqua Mohan, sortes de pans de tissu très longs qu'elles enroulaient autour de leur corps, beaucoup se recouvrant la tête de l'une des extrémités ; mendiants en haillons, estropiés, accroupis dans l'ombre des murs ; vaches efflanquées, ruminant avec indifférence et errant parmi la foule innombrable, hommes, femmes, enfants, vieillards de toutes couleurs de peau et de poil.
Le ciel de Darjeeling
De Nicole Vosseler
Titre original : Der Himmel über Darjeeling
Traduit de l'allemand par Jean-Marie Argelès
Éditions L'Archipel - Date de parution : 6 février 2019 - ISBN : 9782809825633 - 427 pages - Prix éditeur : 23 €
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