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"L'été arctique" de Damon Galgut

Rien ne se profilait au-delà du rêve indien. Quelque chose touchait à sa fin. S'il s'était cantonné à ce qui était familier et rassurant, une succession confortable de goûters et de paysages anglais, il aurait continué tranquillement son activité et écrit quantité de livres de la même nature. Mais le monde qui l'intéressait était en train de disparaître, ou avait déjà disparu, enterré par les automobiles, les machines et la fumée de la guerre. Les écrivains devaient regarder de l'avant et ne pas être constamment tournés vers le passé, et il n'avait pas la force de suivre le rythme de l'histoire. Il n'y aurait plus de livres comme celui-ci.


"La Route des Indes" d'E.M. Forster figure parmi les romans anglais les plus importants du début du XXème siècle. Son adaptation cinématographique réalisée par David Lean en 1984 lui a permis ne pas être oublié de la mémoire collective. Mais qui avait été ce E.M. Forster connu également sous son nom complet d'Edward Morgan Forster ? Quelle est l'histoire de ce roman éponyme et qu'est-ce-qui a inspiré E.M. Forster dans son écriture ? Ces réponses se trouvent dans ce roman de Damon Galgut "L'été arctique".

L'écriture de la "La Route des Indes" a duré onze années parmi lesquelles neuf ans ont été improductifs car E.M. Forster souffrait d'un blocage. L'origine de ce roman est l'amitié d'E.M. Forster pour Masood. Une amitié née un jour de novembre 1906 où E.M. Forster accepta la fonction de professeur de latin pour un jeune indien sur le point d'entrer à Oxford, Syed Ross Masood. C'est donc cette rencontre qui donna envie à E.M. Forster de voyager en Inde. Masood, quant à lui, poussa son ami - qui n'était pas à son premier coup d'essai dans l'écriture et la parution - à écrire sur l'Inde.

La première fois qu'E.M. Forster partit en Inde, c'était au mois d'octobre 1912. Morgan - le prénom usuel d'E.M. Forster - avait alors trente-trois ans et n'avait pas encore découvert le monde au-delà de l'Europe. Habité par le désir du corps masculin, il avait avant tout besoin de s'accepter tel qu'il est et par la même occasion quitter les jupons de sa mère pour vivre ses propres expériences. Durant six mois, Morgan traversa l'Inde de part en part à la découverte du pays, au fil des rencontres et des invitations. Tantôt, il voyagea seul, tantôt il fit un bout de chemin avec Bob et Goldie ses compagnons de voyage et amis. En Inde, il retrouva Masood mais ils passèrent finalement peu de temps ensemble, au grand regret de Morgan. Du fruit de ses rencontres, des lieux qu'il découvrit  et des situations dont il fut témoin, mûrit son roman "La Route des Indes". Pourtant, "La Route des Indes" est loin d'être achevé et ce premier voyage ne sera pas le dernier qu'il fera en Inde. Durant la Première Guerre Mondiale, Morgan passa plusieurs années à Alexandrie en Égypte au service de la Croix Rouge. Il y fit la connaissance de Mohammed, un receveur de tramway avec qui il aura une relation. Dès son retour en Angleterre il ne résistera pas à répondre à l'appel indien pour son second voyage. "La Route des Indes" qui n'est alors qu'une ébauche griffonnée avec une encre verte sera du voyage. Pourtant, il faudra à E.M. Forster un retour pénible en Angleterre pour avoir une impulsion soudaine et enfin se remettre à l'écriture et achever ce qu'il sera l'une de ses plus belles œuvres, du moins la plus connue d'entre toutes.


Centré sur ces années, entre le premier voyage d'E.M. Forster en Inde et l'achèvement de "La Route des Indes", "L'été arctique" dont le titre fait référence au roman inachevé "Arctic Summer" - toujours d'E.M. Forster - reprend donc l'histoire de cet écrivain connu sous le prénom usuel de "Morgan". Afin de reconstituer ce qui pourrait être la biographie d'E.M. Forster, Damon Galgut, auteur sud-africain, a fait de nombreuses recherches afin de reconstituer ce morceau de vie d'E.M. Forster. Le lecteur y découvre alors qui avait été cet homme, auteur de nombreux romans dont "Maurice", publié après sa mort en 1970 et où s'exprime ouvertement le sujet de l'homosexualité. Pour revenir à 'L'été arctique", même si certains passages de ce roman peuvent paraître difficilement compréhensibles car Damon Galgut y partage trop d'informations d'un coup et mélangeant différents périodes, il reste un roman intéressant et très bien écrit. "L'été arctique" nous permet de visualiser "La Route des Indes" sous un angle différent. Les traits des personnages apparaissent alors en plein jour et l'ensemble de "La Route des Indes" prend un tout autre sens. "L'été arctique" c'est également aller à la rencontre d'un homme.

Pendant les deux jours de voyage entre Bombay et Aligarh, il avait été marqué par l'étrangeté de l'Inde, son altérité distante. La lumière lui avait paru différente jusqu'à ce qu'il comprenne que les vitres du train étaient teintées. Malgré tout, ce que ces nuances bleutées recouvraient avait quelque chose de familier : les paysages champêtres rappelaient le Surrey même si certains détails (l'éclat choquant du sari d'une femme, une vache ruminant béatement sur un quai de gare) faisaient basculer le monde sur un axe. La lune indienne aussi, avec son pouvoir de révéler des jaunes et des violets profonds dans le ciel alentour, se démarquait de sa semblable anglaise. Et le ciel avait une immensité et une texture vides de nuages, capables d'abolir la terre en dessous.


Forster et Mohammed


Masood et Forster



 

L'été arctique

De Damon Galgut

Titre original : Arctic Summer

Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Hélène Papot

Éditions de l'Olivier - Date de parution : 14 janvier 2016 - ISBN : 978-2823608335 - 384 pages - Prix éditeur : 22,50 €


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