Si l'on pouvait comparer des gens à des maisons, se dit Uma, alors Cameron était aussi secret que l'ancienne maison de Jiang. Qui habitait dans ses pièces intérieurement fermées à double tour ? Dans la désolation où avait sombré la vie d'Uma, le mystère de Cameron lui donnait quelque chose à quoi se raccrocher, lui offrait une possibilité de découverte.
Un tremblement de terre vient d'avoir lieu aux États-Unis. Au sous-sol d'un consulat indien, dans le bureau de délivrance des visas, neuf personnes sont prises au piège. Les issues sont bouchées, le plafond menace de s'effondrer et l'eau commence à monter et à inonder les lieux. Toutes les personnes qui ont été présentes dans ce bureau au moment du tremblement de terre ont survécu mais certaines ont été sérieusement blessées et nul ne sait quand les secours arriveront, s'ils arriveront. Cameron, un afro-américain qui avait été soldat dans l'armée, décida naturellement de prendre en charge ses compagnons d'infortune en prodiguant des soins aux blessés, en faisant l'inventaire des vivres et en donnant des conseils pour leur permettre de faire face à cet enfermement. Uma est une jeune femme d'origine indienne qui a grandi aux États-Unis. Ce qu'Uma adore ce sont les livres de contes. Pour adoucir l'attente et surtout pour occuper les esprits, elle propose à chaque membre du groupe de prendre la parole à tour de rôle. À chacun donc de se confier, de conter un souvenir, de partager l'histoire la plus incroyable de leur vie. Pourtant, malgré une certaine réticence d'étaler sa vie privée à un public d'étrangers, peu à peu les tiroirs à souvenirs commencent à s'ouvrir. Tour à tour, chacun confie son plus lourd secret, pour la première et peut-être la dernière fois de sa vie.
Lorsqu'on parle d'histoire la plus incroyable de votre vie, l'on pourrait imaginer un moment magique, hors du commun, un fait marquant de notre vie, un souvenir positif. Et pourtant lorsque Jiang, M. Pritchett, Tariq, Lily, Malathi, Mangalam, Cameron, Mme Pritchett, Uma prirent à tour de rôle la parole, leur confidence est souvent l'empreinte d'un lourd secret, porté durant de nombreuses années - souvent une vie entière - sans en avoir fait l'étalage même à ses proches au préalable. Chacun écoutera l'autre sans jugement, respectueusement. Un confessionnel dans une tombe, un dernier sacrement de pardon avant la fin d'une vie. C'est donc un roman fort que nous livre ici Chitra Banerjee Divakaruni. Comment réagirons-nous dans cette même situation ? À quoi penserions-nous ? C'est quelques-unes des nombreuses questions que l'on pourrait se poser en fermant le livre. J'ai beaucoup aimé les différentes histoires que l'on retrouve à travers ces neuf personnages, d'horizons différents, nombre d'entre elles m'ont profondément marqué. Il y a par exemple, la première, celle de Jiang, une femme de la communauté chinoise de Calcutta qui a fuit l'Inde au moment de la guerre sino-indienne. On retrouve rarement dans les romans cette page de l'histoire indienne, il est d'ailleurs très rare que l'on relate dans un quelconque ouvrage la présence de la communauté chinoise en Inde, leur vie et les pressions qu'elle a subite. Une autre histoire qui m'a bien marqué, fut l'histoire de Malathi qui, avant de devenir guichetière au consulat de l'Inde, a été employée dans un institut de beauté en Inde. Il est rare que l'on retrouve ce métier et ce genre de lieu dans un roman sur l'Inde, cette histoire apporte un peu de fantaisie et de légèreté dans les heures les plus sombres du roman. À mille lieues de l'Inde, l'histoire de M. Pritchett est simplement bouleversante. Concernant le roman en général, le suspens est présent tout le long du roman. La tension y est palpable : à chaque réplique, lorsque les effondrements se font plus nombreux et lorsque la situation s'empire tout simplement. À chaque fois, l'on peut croire, disons espérer, qu'ils auront une chance de sortir de cet enfer, que les secours arriveront vite pour les libérer. L'angoisse de la fin imminente va de pair avec une forte envie de survivre. L'on espère un "happy end" jusqu'au bout et pourtant ... Chitra Banerjee Divakaruni nous tient en haleine jusqu'au bout, jusqu'au dernier paragraphe. Il est difficile de dire que le roman "L'Histoire la plus incroyable de votre vie", "One Amazing Thing" en anglais est un livre agréable à lire. Il est plus juste de dire qu'il se lit avec une certaine facilité. L'auteure s'est plongée au plus près de ce que pourraient ressentir les humains dans une telle situation - entre l'espoir de survivre et celle de se faire une raison, celle que la vie - notre vie - arrive à son terme et l'heure de la mort est imminente. Elle explore à travers ces nombreux personnages, la psychologie humaine lorsque la survie est en jeu. Il est également intéressant que Chitra Banerjee Divakaruni ait apporté à ce roman, un mélange hétéroclite de personnages, qui devant l'adversité sont empreints d'une forte humanité. Un roman à découvrir.
Quand le premier tremblement de terre secoua la salle d'attente du bureau de délivrance des visas, au sous-sol du consulat indien, personne n'eut la moindre réaction. Submergés par les regrets, l'espoir ou l'excitation (comme tous ceux qui se préparent à un grand voyage), la majorité des personnes présentes mirent ça sur le dos du métro aérien. Les autres pensèrent que, sur le trottoir extérieur barré de tous côtés par des bandeaux orange fluorescents - au point qu'entrer dans le bâtiment était un véritable exploit physique -, l'équipe d'ouvriers avait dû remettre les marteaux-piqueurs en marche. Uma Sinha regarda une écaille de plâtre tomber lentement du plafond, en une danse paresseuse, jusqu'à ce qu'elle disparaisse sous le feuillage d'un vert presque irréel de la plante qui occupait le coin de la pièce.
L'Histoire la plus incroyable de votre vie
De Chitra Banerjee Divakaruni
Titre original : One Amazing Thing
Traduit de l'anglais (Inde) par Mélanie Basnel
Éditions Philippe Picquier - Date de parution : 2 mai 2013 - ISBN : 978-2809709186 - 349 pages- Prix éditeur : 8,50 €
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