Je sus immédiatement que les Indes étaient un pays pour moi. En vérité, j'eus le sentiment d'y être née. Nul doute que ma première bouffée d'air avait été indienne et que mon premier miroir le sourire dans les yeux marron de mon ayay. J'ignore pourquoi. Je ne cesse de me poser la question de crainte que ce ne soit une impression factice. Etait-ce un souvenir ancestral ? Ou un coup de foudre ?
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Isabel, épuisée par les ravages causés par la Première Guerre Mondiale et par le décès de son fiancé, aspire à une vie de liberté. Malgré la désapprobation de sa chère mère, elle s'est mariée à la hâte avec un militaire de carrière, le sergent Neville, pour pouvoir se rendre aux Indes. Ce dernier est né dans cette colonie, fils et petit-fils de militaires britanniques, sa vie a toujours été rythmée par l'armée et son régiment d'infanterie des Gurkhas. Il a décidé de prendre une épouse au Pays de Galles non par amour mais pour obéir aux ordres reçus par ses supérieurs avant son départ en permission. Après des semaines de voyage en parcourant la moitié de la terre et la moitié de l'Inde, Isabel et Neville arrivèrent enfin au cantonnement de Ferozepore au Pendjab. Dès leur arrivée, Neville reprit immédiatement ses fonctions avec un long déplacement à la frontière. Il retrouve ainsi son ancienne vie, reléguant sa jeune épouse au second rang. N''ayant aucune affection pour cet homme arrogant et pour le protocole britannique, Isabel ressent cet abandon comme un grand soulagement qui lui permet de jouir d'une vie de liberté. Isabel trouvera très vite du réconfort et de l'amour auprès de Sam. Mais Sam n'est pas britannique même s'il est né à Londres, qu'il a passé la majeure partie de son existence en Angleterre et qu'il y a fait ses études de médecine. Sam, de son vrai nom Samresh est un hindou et un descendant de maharajas indiens de la caste des Rajputs. Parce qu'il est médecin et qu'il est allé à Oxford, sa présence est tolérée parmi les Britanniques mais pour autant il reste un Noir et les activités politiques anti-britanniques de son père sont perçues d'un mauvais oeil. Sam et Isabel vivront un amour interdit et clandestin mais pourtant très fort et très sensuel. Comment leur liaison évoluera-t-elle et pourra-t-elle durer ? De plus la fin de la domination britannique aux Indes se profile. Les Indes sont en mouvement : attentats, affrontements, émeutes et désobéissance civile sont devenues monnaie courante.
Pour écrire "L'amant indien", Carolyn Slaughter s'est inspirée de la vie de sa grand-mère Anne. Elle lui a imaginé un autre destin, un destin loin des asiles où cette femme a vécu toute sa vie à cause de son mari. C''est un bel hommage pour son aïeule que nous livre Carolyn Slaughter car elle a grandi sans savoir que sa grand-mère maternelle était encore en vie et qu'elle avait été incarcérée dans différents établissements psychiatriques depuis 1936 (à Ranchi dans l'Etat du Bihar en Inde jusqu'en 1951 puis à Ealing en Angletterre jusqu'à son décès en 1985). Elle a appris son existence par son oncle et a pu enfin la rencontrer alors que cette dernière était âgée de 81 ans. "L'amant indien" est donc un secret de famille qui a été révélé au grand jour. "L'amant indien" est un roman d'amour sentimental, dramatique, très sensuel (un soupçon érotique) et très fort. Le personnage principal et narrateur, Isabel, est une femme au sang mêlé, elle était britannique du côté de son père et italienne du côté de sa mère. Peut-être que c'est pour ces raisons qu'elle ne se sentait pas à l'aise aux côtés des Britanniques en Inde et qu'elle s'est mise à part. Outre cet aspect, on découvre une femme moderne qui souhaite reprendre ses études afin de devenir médecin et pourquoi pas ainsi aider les plus démunis. Mais ce que l'on retient, c'est qu'Isabel veut vivre réellement les Indes -en prenant seule le train ou préférant marcher que de le prendre afin de se mêler à la population, s'habillant en sari, en se rendant dans les marchés locaux etc- et la découvrir loin des stéréotypes. Elle n'accepte pas la classification par race et le mépris qu'ont les Britanniques pour ceux qu'ils qualifient de "Noir" et de "sous-peuple". Un préjugé fort en Inde mais qui l'ait tout autant en Grande-Bretagne comme en témoigne Sam. Sam a démontré avec son cursus scolaire que peu importe les origines d'un homme, il peut réussir dans les études et brillamment. Un troisième personnage est intéressant, celui de Joseph, le serviteur à Isabelle qui lui sera totalement dévoué. Malgré ses origines modestes, il n'hésitera pas à apprendre la langue du colonisateur, partagera sa culture avec Isabel et ne manquera pas de la mettre en garde même si Isabel est un personnage très têtu. Neville, quant à lui, est un personnage de l'ombre mais il faut se méfier de l'eau qui dort. Dans "L'amant indien", Carolyn Slaughter dépeint un portrait vivant de l'Inde au cours des dernières années du Raj. Le lecteur retrouve une description précise de l'instabilité politique de cette période, le système de classes et les difficultés rencontrées par les femmes aussi bien indiennes que britanniques. Ce roman apporte à son lecteur, un fabuleux voyage à travers le nord de l'Inde, au programme le Pendjab, Simla, Delhi et l'Assam. L'auteur mêle parfaitement l'histoire de Sam et d'Isabel avec les événements historiques de cette période mais référence également aux écrits de Kipling. L'auteur n'oublie pas d'y incorporer de nombreux rebondissements laissant ainsi une grande part de mystère pour la suite du roman. "L'amant indien" est un roman qui est très agréable et très intéressant à lire. L'histoire d'amour entre Isabel et Sam est le noyau du roman mais l'on découvre surtout l'évolution ou le déclin de chacun dans cette Inde en pleine mutation.
Portant bien l'uniforme, il avait une beauté celtique, le visage allongé, les yeux mélancoliques ; en civil, il était moins bien. Le kaki a quelque chose d'impressionnant. Il paraît que c'est une couleur créée aux Indes, un mélange de poudre de cari et de safran destiné à obtenir une teinte moins visible, se perdant mieux dans la jungle. Dieu que nos soldats devaient être splendides à l'époque où ils étaient vêtus de rouge et or ou d'un blanc immaculé ! Mais le kaki est sans aucun doute la couleur de la conquête.
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C'est inconcevable à quel point un voyage en train aux Indes est différent d'un trajet en Angleterre. On a l'impression de traverser le monde et de le voir changer toutes les heures : les Indes défilent sous nos yeux. Fleuves aussi vastes que la mer où circulent bateaux à vapeur, des boutres, des embarcations bondées, dont la poupe semple sur le point de sombrer.
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L'amant indien de Carolyn Slaughter
Titre original : The Black Englishman
Traduit de l'anglais par Sylvie Schneiter
Uniquement en occasion en format broché (Éditions Jean-Claude Lattès) & en poche (Éditions J'ai lu)
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