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"Indiennes" est un recueil réunissant six extraits provenant des romans écrits par l'auteure indienne Mahasweta Devi. Ces nouvelles transportent directement son lecteur au Bengale, dans l'est indien (région de Calcutta), et nous fait rencontrer six femmes bengalies. Des femmes de castes et d'origines différentes, chacune avec son histoire, son propre combat, combat d'hier, combat d'aujourd'hui. Une Inde se déroulant il y a presque une quarantaine d'années, une lucarne, oui, mais pas forcément sur une autre époque.
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Rudali, les pleureuses Sanichari est une femme de la basse caste des intouchables. Outre sa caste qui lui vaut d'être au service des hautes castes pour un salaire de misère, elle n'est pas gâtée par la vie. Selon sa belle-mère, sa malchance devait provenir du fait qu'elle soit née un samedi, jour néfaste sur le calendrier. Ce qui est sûr, c'est qu'en peu de temps, toute sa belle-famille a quitté ce monde, puis son mari qui avait le projet de cultiver un potager autour de la hutte. Avec ces malheurs, Sanichari n'est pourtant pas au bout de ses peines car à peine que son fils eu fini de construire sa propre famille qu'il décéda à son tour. Sanichari qui a élevé seule son fils, se retrouve à devoir élever seule son petit-fils. Mais ce dernier est aussi fainéant que sa mère et ne sera d'aucune aide. Sanichari finira par se retrouver seule au monde et trouvera une nouvelle source de revenue intéressante, devenir pleureuses pour les maliks au bout de leur vie. Dhauli Dhauli, jeune dusad, attend tous les jours que Misrilal, fils de brahmane, revienne au village comme il lui avait un jour promis. Dhauli, trop occupée à effectuer ses tâches quotidiennes, n'était pas intéressée par Misrilal. Mais ce dernier a essayé de la séduire malgré leurs différences de castes. Résultat, elle attend un enfant de lui. Elle est déçue de s'être fait bernée par Misrilal car parce qu'il est d'une caste supérieure, il pouvait faire ce qu'il voulait d'elle. Mais qui va subvenir aux besoins de cet enfant à naître ? La famille de Misrilal, lui donnera-t-elle quelque chose comme c'est le cas pour les enfants légitimes ? La chasse Mary, une jeune fille de souche tribale, a un caractère bien trempé et est une très grande travailleuse. Rien ne lui fait peur, elle sait se débrouiller et se faire respecter. Elle a son emplacement de réservé au marché de Tohri, où elle y vend les fruits qu'elle ramasse du verger. Elle y a nombre d'admirateurs mais un jour, elle voudra se marier au chef de file des commerçants, un voyou nommé Jalim. Draupadi Draupadi est activement recherchée par la police comme si elle était une grande criminelle. Dans toute la région, chaque bosquet, chaque village sont ratissés de fond en comble car elle est considérée comme étant la plus grande épine au pied du Gouvernement. Qu'a-t-elle commis de si affreux pour être si activement recherché ? Des dacoïts ? Celle qui donnait le sein Jashoda est la femme d'un brahmane et la mère de vingt enfants. Mais se souvient-elle d'un moment où il en a été autrement ? Son mari avait un travail de rêve, il passait sa journée à remuer avec une cuillère en bois, le lait sucré destiné aux confiseries et faire frire les galettes chez le confiseur. Ce métier lui permettait de nourrir convenablement sa famille. Pourtant, il aimait chaparder de la farine et un peu de nourriture de temps en temps pour améliorer le quotidien des siens. Mais cela changea lorsqu'un jour, un des fils Haldar lui roula sur les pieds. Le pauvre homme ne pouvait plus exercer son métier à la confiserie. Jashoda devait à son tour subvenir aux besoins de ses enfants et de son mari. La famille Haldar, à l'origine de son malheur lui donna un travail idéal pour elle .... mère nourricière pour la longue marmaille des Haldar. Joshoda devient donc une mère à plein temps, et ses outils de travail, ses seins, d'où se déversaient une quantité de lait si impressionnante, que dans la ville et même au-delà, les gens la prenaient pour une déesse. Mais le temps passa. La statue Le village de Chhatim, n'est desservit par aucune route et la seule préoccupation de ses habitants est leur subsistance quotidienne. Ce village qui n'a guère évolué depuis la pendaison de Dindayal Thakur, cinquante plus tôt, et le départ de sa famille. Dindayal Thakur justement où le projet de l'élévation d'une statue en son honneur est en cours depuis qu'un membre du gouvernement est tombé sur l'histoire de cet héros local. Mais qui à Chhatim se souvient encore ce qu'il s'est passé en 1924, les raisons pour lesquelles le brahmane au service d'anciens rois - qui ne possédait d'ailleurs que le titre - ait quitté le village subitement après la pendaison de fils et qu'une veuve vit misérablement dans une hutte.
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Mon avis De très belles nouvelles, d'une très belle intensité, tantôt bouleversantes, tantôt agrémentées d'une pointe d'ironie. Des femmes, jeunes ou âgés, au destin chamboulé par des évènements qui ont un jour débarqué au seuil de leur porte. Des femmes courages, gardant la tête haute malgré les aléas de la vie, sans geindre des douleurs qu'elles subissent. Mahasweta Devi ne commence pas directement ses nouvelles en évoquant celle qui sera le cœur de sa nouvelle, elle prend le soin de poser le décor, de mettre son lecteur dans cette Bengale de la moitié du XXème siècle. Un Bengale brut, où très peu de ses villageois quittent leur environnement pour s'aventurer dans la grande ville, où la vie s'écoule avec des moyens ancestraux. Le lecteur trouvera également les liaisons souvent compliqué entre les membres de la même famille au travers souvent de plusieurs générations. Un délice de lecture comme ne sait qu'offrir que peu d'écrivains et dont Mahasweta Devi est maître en la matière. Aucunement, les nouvelles ne manquent de matière, ne font l'impasse sur des éléments importants de l'histoire, elles ne sont ni trop courtes ni trop longues. La seule déception cependant, est de quitter ces personnages très attachants.
D'ailleurs, aucun de ses rêves n'avait jamais vu le jour, pas même le plus modeste. Le gros peigne dont elle avait envie, elle n'avait jamais pu se l'acheter. Les bracelets de laque qu'elle n'aurait aimé garder aux poignets au moins un an, elle avait dû les enlever. Avec le temps, ses rêves avaient évolué. Avec le temps, ses rêves avaient évolué. Page 14
Un mois passa, puis deux, puis bientôt quatre. Chaque jour, Dhauli allait guetter l'arrivée du car : c'était devenu une habitude. Ce soir-là, allongée sur le machan, elle repassa dans sa tête le film des évènements. Puis elle ferma les yeux. Posa sa main sur son ventre. L'enfant bougea. Quelle sensation étrange ! Si c'est un garçon, on l'appellera Murari, avait dit Misrilal. Hélas, Misrilal et son amour avaient désormais revêtu l'irréalité d'un mirage. Page 80-81
Quand Mary Oraon se tient debout sur la colline et qu'elle regarde passer le train, elle est aussi un objet de curiosité pour les voyageurs qui peuvent l'apercevoir. Elle a dix-huit ans, elle est élancée, a le visage rond, un nez épaté et un teint cuivré, plutôt clair. Elle est généralement vêtue d'un sari imprimé. De loin, elle semble tout à fait charmante mais, de près, on perçoit dans son regard comme une lueur d'hostilité. Page 100
En réalité, tout autour de Jharkhani, de la pointe nord à la pointe sud de cette région forestière à la sinistre réputation et située sous l'autorité du thana de Bankrajarh (en Inde, le moindre mille-patte relève d'un commissariat), des témoignages effarants circulent sur des individus soupçonnés d'attaquer des postes de police, de voler des fusils (et comme ces canailles sont souvent ignares, ils disent parfois "Donnez vos crosses" au lieu de "vos fusils"), de tuer des négociants en grains, des propriétaires terriens, des usuriers, des gardiens de la paix, des bureaucrates et des indices. Page 129
Cette nouvelles règle fut donc mise en pratique. Kanalicharan devint un père professionnel et Jashoda une mère professionnelle. En vérité, devant l'exemple de Jashoda, la justesse de ce couplet tiré d'un chant de dévotion ne pouvait que convaincre l'esprit le plus sceptique : "Être mère n'est pas chose aisée Il ne suffit pas d'avoir accouché." Page 166
Le jour dit, assis sous l'arbre, Dinu rayonnait. Dulali n'alla pas le voir. Elle resta enfermée dans sa chambre sans pouvoir parler à personne, le cœur brisé. Finalement, elle noua sa chevelure négligée en un chignon lâche, se drapa dans son sari blanc sans bordure et s'approcha lentement de l'extrémité de la cour. Elle observa Dinu de loin, contempla son dhoti de soie blanc, sa chemise écrue, le châle autour de ses épaules, la marque de santal sur son front, les anneaux d'or à ses oreilles - signe de sa lignée. Quand il la découvrit, il la regarda un long moment et se redressa. Puis il arracha la guirlande qu'il avait autour du cou, jeta son châle à terre et effaça la marque sur son front. Page 244
Indiennes, Rudali et autres nouvelles
De Mahasweta Devi
Traduits du Bengali par Marielle Morin
- "Rudali", "Dhauli" et "Shikar" ("La Chasse) sont extraites de Nairrte Megh, Karuna Prakashani, Calcutta, 1979
- "Draupadi" est extraite de Agnigarbha, Karuna Prakashani, Calcutta, 1978
- "Stanadayini" ("Celle qui donnait le sein") est extraite de Stanadayini ebong anyanya galpa, Karuna Prakashani, Calcutta, 1979
- "Murti" ("La Statue") est extraite de Murti, Nabapatra Prakashana, Calcutta, 1979
Broché : Aux Éditions Actes Sud - ISBN : 978-2742749034 - 280 pages - 22,30 €
Poche : Aux Éditions Actes Sud - Collection Babel -ISBN : 978-2330013080 - 8 €
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