- D’où viens-tu, frère ?
Idris avait réfléchi à la façon dont il allait formuler sa réponse. Par où commencer ? Il avait trouvé une façon de se présenter à laquelle il devrait se tenir sa vie Durant.
- Je suis Idris Maymoun Samataar Gulid. Originaire de Dikhil, éternel voyageur qui cherche la mesure de la Terre et de l’homme.
Quatrième de couverture Avec cette vaste fresque qui embrasse l'Orient du XVIIe siècle, de la Corne de l'Afrique jusqu'à l'Inde, Anita Nair, l'auteur du célèbre "Compartiment pour dames" se consacre cette fois au passé cosmopolite et à l'héritage épique de son pays natal. En 1659, le Zamorin, tout puissant souverain du royaume de Malabar, s'apprête à célébrer somptueusement la fête du Mamangam. Idris, un marchand itinérant somalien, dont l'œil d'or engendre émerveillement et incrédulité, est venu assister aux festivités. Par un étrange coup du sort, il va faire la connaissance de son fils, né d'une mystérieuse nuit d'amour neuf ans plus tôt. L'enfant n'a qu'une idée en tête : rejoindre les Chaver, une bande de de guerriers farouches, prêts à sacrifier leur vie pour tuer le Zamorin. Pour le soustraire à ce terrible destin, Idris lui propose de prendre la route à ses côtés. Le début d'un long voyage initiatique vers les mines de diamants de Golconde. Aventures, mystères, sensualité, passions … Une plongée dans l'âge d'or de l'Inde moghole, aussi chatoyante et ensorcelante qu'un conte des mille et une nuits.
« Une aventure à couper le souffle, une histoire d'amour passionnée, et un voyage à la découverte du grand, du sombre et du mystérieux voyageur, Idris. »
The Hindu
Idris est originaire de Dikhil de l'autre côté de l'Océan Indien, une petite région bordée par la Somalie d'un côté et de l'Abyssinie de l'autre. Au lieu de devenir négociant sur la Route de la Soie comme fut son père, Idris a préféré devenir un éternel voyageur qui cherche la mesure de la Terre et de l’homme, vivant de pitance, servant ici et là à certaines cours, négociant des contrats pour payer ses traversées. Après une première venue sur la côte du Malabar dix ans plus tôt en rejoignant un groupe de marchands se rendant à la foire de Vaniamkulam, Idris est de retour dans la région. Lors de son premier voyage, il avait entendu parler de la fête de Mamankam qui a lieu tous les dix ans dans la ville de Tirunavaya et avait décidé de s'y rendre lors de la prochaine manifestation. C'est lors de ce nouveau voyage que son kismet, son destin, l'a conduit à ce bosquet où il rencontra ce petit garçon sombre de peau comme lui. Il s'agit de Kandavar, qu'il devinera être son fils, dont il ne connaissait pas l'existence, la relation qu'il a eue avec la mère de l'enfant ayant été très furtive et pourtant très intense. Idris décide immédiatement de prendre sous son aile le fuyard et décide de le ramener sain et sauf dans son foyer. Dans la demeure de la famille de Kandavar, le "taravâd" des Vattoli, Idris est chaleureusement accueilli par Chandu Nayar, l'oncle de l'enfant, très reconnaissant d'avoir ramené le fugitif. Ayant constaté que l'enfant porte beaucoup d'affection à Iris, Chandu Nayar lui propose son hospitalité. Ainsi Idris pourra garder un œil sur cet intrépide garçon qui à neuf ans se prend pour un Châver. L'oncle espère ainsi qu'Idris arrivera à lui couper l'envie de se préparer à une expédition suicidaire et pourtant stérile au nom de l'honneur lors d'un des prochains Mamankam qui consiste à assassiner le Zamorin. Il lui demanda également de trouver à l'enfant un kalari, une école d'art martial millénaire, autre que celui que fréquentent les membres de sa famille afin que son cerveau ne soit pas remplies d'absurdités et ainsi réussir à maîtriser les ardeurs de Kandavar. Après plusieurs mois au même endroit, Idris le voyageur a besoin de reprendre sa route mais il est difficile pour lui de partir maintenant qu'il a rencontré Kandavar, ce dernier ne sachant pas que cet homme aussi sombre que lui est son père. Idris décide que Kandavar devra être du voyage et obtient alors la bénédiction à l'oncle et à la mère de l'enfant. Accompagnés par un certain Sala Pokkar qui fera le voyage avec eux, père et fils prendront le bateau et feront une première halte à Serendip, le Ceylan, première étape d'un grand et fabuleux voyage.
Avec "Dans les jardins du Malabar", l'auteure Anita Nair s'est métamorphosée en Shérazade. Elle nous conte une merveille histoire qui nous transporte à une époque lointaine, au XVIIème siècle. Contrairement aux autres romans indiens dont l'action se déroule à cette période, le lecteur ne se retrouve ni sur la Route de la Soie, ni à la Cour Moghole, ni tout autre lieu qui figure dans "Les Mille et Une Nuits". "Dans les jardins du Malabar", le lecteur est transporté dans les côtes du Sud de la péninsule indienne où se retrouvent marchands et voyageurs de tous horizons débarquant d'une coque de noix, pour commercer ou assister à des fêtes et embarquant aussitôt leur mission effectuée. Idris, le personnage principal se définit "un éternel voyageur qui cherche la mesure de la Terre et de l’homme". C'est un homme d'ailleurs, qui a voyagé et qui a une grande ouverture d'esprit. Il se repère grâce aux étoiles, écoute la nature, se fond dans la masse tout en se faisant accorder une confiance absolue où il va, parle plusieurs langues, ... Idris est surtout un homme d'une grande sagesse, un grand érudit même s'il n'aime pas que l'on le définisse ainsi et qui sait capter son auditoire. Après ses retrouvailles inopinées avec son fils, un signe du destin, il mesurera tout de suite l'importance et les responsabilités qu'engendre cette rencontre. Il veillera dans l'ombre à protéger cet enfant de sang guerrier à ne pas aller droit au sacrifice comme le demande une tradition stérile de sa caste. Idris sera parfaitement endossé le rôle de paternel, un rôle qui doit rester un secret entre lui et la mère de l'enfant car les répercussions qu'aurait la découverte de la vérité pour Kandavar et sa mère seraient désastreuses pour leur avenir. Heureusement pour Idris, le voyage qu'il fera avec son fils, pourra le libérer de ce lourd secret en le faisant passer auprès de tous, pour ce que Kandavar est réellement, son fils. Kandavar ne fera pas le lien avec son apparence et celle d'Idris, pour lui il ne fera qu'obéir aux instructions données par cet homme qui l'a éloigné de sa maison et de son école. Le grand voyage d'Idris et Kandavar couvre une grande partie du roman. Il les conduira au gré des inspirations d'Idris - Ceylan et autres comptoirs néerlandais - pour y rencontrer des hommes, des traditions et des religions diverses. Idris apportera à Kandavar une véritable leçon de vie qui les mèneront à découvrir la pêche à la perle, l'extraction de diamants, la vie à bord d'un bateau, ... Des informations, fruit d'un énorme travail de recherches effectué par l'auteur Anita Nair dont les sources sont énumérés en fin d'ouvrage (livres et revues ; sites internet) afin de faire profiter le lecteur de "Dans les jardins du Malabar" . "Idris, Keeper of the Light", son titre original qui signifie "Idris, le gardien de la lumière" est un roman d'une très d'une grande qualité, qui recèle d'une grande philosophie, comportant d'une bonne dose de mysticité et même quelquefois de sensualité. Il permet à travers ses 430 pages un grand tour d'horizon d'une culture et de l'histoire du XVIIème siècle souvent méconnue du Sud-Est Asiatique. C'est un roman qui se savoure et dont il est conseillé de se délecter de chaque page. "Dans les jardins du Malabar" m'a fait penser à la trilogie de l'Ibis d'Amitav Ghosh, et ceux qui ont apprécié ces ouvrages, le seront tout autant pour le roman d'Anita Nair. La seule chose pour laquelle le lecteur pourra être déçu avec ce roman, est de devoir quitter Idris, Kandavar, Sala Pokkar, Golla et les autres. Mais pas de panique, on les retrouvera à nouveau dans quelques années - il faudra faire preuve de patience- car "Dans les jardins du Malabar" est le premier roman d'une trilogie et la fin de ce premier roman nous promet encore de belles aventures riches en rebondissements et de très belles rencontres.
Tout le monde considère comme une bénédiction de posséder les compétences qui sont les miennes. Je n'en suis pas si certain. Entre bénédiction et malédiction, la frontière est très mince. Le talent, par exemple. Lorsqu'on sait qu'on le possède, on y voit une bénédiction d'Allah, mais lorsque les autres vous chargent d'exaucer leurs désirs grâce à lui, ces attentes pèsent sur vous comme un fardeau et vous devenez le damné don ce talent, ce maudit talent, a fait un esclave à jamais.
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Certains hommes sont des dominants par nature. Ils vous inspirent par leurs prouesses, leur superbe, leur valeur et leur force. Mais il en est d'autres qui, dans leur discrétion, révèlent une autre manière d'être grand. Il n'est pas nécessaire d'être toujours au cœur de l'action pour changer le monde. On peut aussi le faire en se tenant à la marge, le faire avec une bienveillance innée, confiant dans la bonté humaine. Mon maître est ce type de personne, conclut Golla calmement.
Dans les jardins du Malabar
De Anita Nair
Titre original : Idris, Keeper of the Light
Traduction de l'anglais par Dominique Vitalyos
Date de parution : 2 juin 2016
Editions Albin Michel - ISBN : 978-2226320957 - 441 pages - Prix éditeur : 23 €
Egalement en format poche "Le Livre de Poche"
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