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"Dans la chambre obscure" de R.K. Narayan

Dans la vie on ne peut pas échapper à la peur. On a peur depuis le berceau jusqu'au bûcher funéraire et même au-delà, peur de la torture dans l'autre monde. On a peur de déplaire à son mari ; peur des contrariétés qu'il peut avoir ; peur du matin au soir, la nuit aussi. [...]. On a peur de son père, de ses maîtres, de toute le monde quand on est petite ; puis, plus tard, de son mari, de ses enfants, de ses voisins - l'angoisse, toujours l'angoisse dans le coeur jusqu'à ce que s'allume le bûcher ; l'angoisse d'être condamnées par Yama à plonger dans un chaudron d'huile bouillante ...
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Savitri est le modèle typique de l'épouse parfaite : elle tient sa maison, élève ses trois enfants et est au service de son mari Ramani. Ce dernier est le patron d'une société d'assurances et permet ainsi d'offrir une vie confortable à sa famille. Pour autant, il est craint par ses proches car il est d'humeur lunatique, un grand râleur et très arrogant. Quand il est de mauvaise humeur, il n'hésite à critiquer tout ce qu'il voit et à sermonner sa famille et ses domestiques. Savitri, après quinze années d'union, regrette ne pas s'être affirmée plutôt. Les sermons de son mari sont si réguliers tout comme les lamentations des domestiques, qu'elle a cessé d'y prêter attention. Par contre, lorsque son mari s'attaque trop durement à ses enfants en les battant ou les frappant, elle a besoin de se réfugier un long moment dans la chambre obscure où, d'après son mari, elle y va pour y bouder.

Un jour, Ramani, pour suivre les directives de la maison mère, dû embaucher une femme au sein de son entreprise. Dès qu'il vit Shanta Bai, il ne peut résister à l'embaucher malgré son passé peu glorieux et son manque de compétences. Il est tellement épris d'elle qu'il fait libérer une pièce servant de débarras dans les locaux de sa société afin qu'elle ait un toit. Ramani n'hésitera pas à retourner chaque soir à son bureau, pour y rester toujours plus tardivement, pour tenir compagnie à Shanta Bai, oubliant ses devoirs conjugaux et familiaux. Mais les rumeurs circulent vite dans une petite ville et Savitri reçut rapidement ses échos. Lors d'une visite d'une de ses amies, cette dernière lui confirmera qu'elle a vu Ramani en compagnie d'une autre femme. Savitri décide alors de se rebeller.


"Dans la chambre obscure" est un roman qui nous plonge dans la vie d'une famille bourgeoise avec un père intransigeant qui montre qu'il est le mâle dominant, une mère docile et qui est aux ordres de son mari et des enfants qui se disputent et qui se protègent pourtant mutuellement. On découvre cette famille à travers une fête hindoue de Navarathri en honneur au dieu Shiva. R.K. Narayan nous brosse le portrait élargi de l'homme et de la femme. Ramani est l'Homme de la maison, gérant sa maisonnée d'une poigne de fer et n'ayant besoin des conseils de personnes. Mais il peut devenir l'homme presque soumis lorsqu'il doit s'occuper des enfants lors de l'absence de sa femme ou auprès de Shanti Bai en lui assouvissant tous ses désirs. Savatri n'est pas mieux lotie, on la retrouve femme soumise et docile envers son mari mais au fond d'elle, elle peut arriver à s’affirmer, pourtant cela ne dure jamais très longtemps. Par contre, elle ne deviendra jamais une femme frivole dont le rôle est donné à Shanti Bell, ni une femme qui sait tenir tête  aux hommes comme le fait Pooni. Peu d'éléments, nous donnent la datation de ce roman, l'histoire est intemporelle et pourrait très bien se dérouler à n'importe quelle période. L'on y retrouve l'année 1935 (page 29), lorsque l'auteur précise l'année de construction du cinéma et la sœur de Savatri habite à Rangoon, elle pourrait également y habiter aujourd'hui mais dans les années 1930 beaucoup d'indiens y vécurent car ils y travaillaient pour les britanniques (l'Inde n'était pas encore indépendante). Pour finir, je trouve qu'il est dommage que l'histoire ne soit pas plus développée. Les relations entre Ramani et son employé restent très floues, les amies de Savatri ont été présentées mais je n'ai pas compris l'intérêt de leur présence d'autant qu'elles  n'ont aucun rôle dans le récit à pars de très brèves interventions. J'ai également déploré la fin brusque qui m'a laissé sur ma fin.  "Dans la chambre obscure" est un roman qui se lit rapidement mais est loin d'être au même niveau que les autres romans de Narayan. Dommage.


A présent, Savitri avait à faire avec son dieu. Elle alla dans l'oratoire, alluma la mèche des lampes à huile et alluma les bâtonnets d'encens, jeta sur les idoles reposant sur l'autel de bois des poignes de fleurs d'hibiscus et de jasmin, et, à voix basse, chanta les hymnes sacrées que sa mère lui avait enseigné des années auparavant. Elle se prosterna devant le dieu, se releva, et alla s'assoir sur le sol de la cuisine, après avoir posé devant elle une feuille de bananier.
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Je suis un être humain, lança-t-elle en respirant bruyamment. Vous autres hommes, vous ne l’admettrez jamais. Pour vous, nous ne sommes que des jouets quand vous êtes d’humeur à caresser, et des esclaves le reste du temps. Ne croyez pas que vous pouvez nous cajoler quand ça vous chante et nous donner des coups de pied selon votre bon plaisir.
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Savatri avait l'esprit tout engourdi, sinon elle n'aurait pas pu traverser la ville en pleine nuit. Plus rien ne semblait compter à présent - pas même ses enfants. Après tout, c'étaient les enfants de son mari .... Pourquoi n'irait-elle pas à son bureau en extirper cette femme et lui lacérer le visage de ses ongles ? Ce pourrait être intéressant d'attendre pour voir s'il ramperait encore aux pieds de cette putain une fois son visage balafré et ses cheveux arrachés ...
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Dans la chambre obscure

De Rasipuram-Krishnaswami Narayan

Titre original : The Dark Room

Roman traduit de l’anglais (Inde) par Anne-Cécile Padoux

Editions Zulma • ISBN 978-2-84304-711-4 • 185 pages• Prix éditeur : 8,95 € • Parution le 28/08/2014



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