Leela rejetait les jeunes de son âge. Ils menaient une existence difficile sur laquelle ils avaient peu prise. Leurs mères et épouses contrôlaient leurs revenus et leur vie sociale pour les protéger précisément de filles de son genre. Au mieux, ils étaient bons à faire quelques compliments et à cracher des petites coupures. C'étaient aussi des rêveurs, et leurs rêves - travailler dans un bureau équipé de l'air conditionné, passer de la moto à la voiture ou aller en pèlerinage à Tirupati - n’intéressaient pas Leela.
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Au cœur de l'univers secret des dance-bars de Bombay
"Bombay Baby" est l'aboutissement d'un travail de recherche et d'écriture qu'avait entrepris l'auteure/reporter Sonia Faleiro durant les années 2000 pendant environ cinq ans à Mumbai/Bombay. Afin de constituer un documentaire sur le monde des bar dancers, elle a parcouru la ville afin de réunir les témoignages de femmes, d'hommes et de transsexuelles constituant les branches de ce sombre et vaste business des "dance bar" : danseuses, patrons de bar, clients, serveurs, travailleurs du sexe, hijras, maquerelles, gangsters, policiers, famille, ...
"Bombay Baby", dont le titre original est "Beautiful Thing: Inside the Secret World of Bombay's Dance Bars" n'est pas une simple enquête sociologique mais un reportage littéraire largement inspirés de faits réels. "Bombay Baby" se lit donc comme un roman. Sonia Faleiro y reprend son propre rôle, celle de reporter, et suit sur une période d'environ une année, une bar dancer, une danseuse de bar payée pour danser devant un public d'hommes, prénommée ou surnommée Leela, alors âgée de 19 ans et qui travaillait au "Night Lovers" située sur Mira Road, un quartier de Mumbai connu pour ses dance bar.
Leela est une jeune femme originaire de Meerut, dans l'État indien de l'Uttar Pradesh. Elle s'est enfuie car elle devait se prostituer pour le compte de son père dès qu'elle était devenue pubère. Leela n'est pas arrivée par hasard à Bombay, tout comme elle n'a pas choisi par hasard le métier de bar dancer et le "Night Lovers". Pourtant, sa naïveté à son arrivée dans cette immense ville, lui a presque valu d'embrasser le métier bien moins prestigieux de prostituée. Malgré cette faute de débutante, elle embrasa, duran une période, une carrière qui fit qu'elle étaite la mieux payée du "Night Lovers" et sans doute de tout Mira Road.
Au fil du reportage littéraire, les liens entre Sonia et Leela de tissent, une affection particulière prend naissance, une confiance s'installe. Leela nous fait découvrir son monde, ses amis hétéroclites et sa vie qui ne tient finalement qu'à un fil très fin, près à rompre à n'importe quel moment. Leela est brute sans artifice, elle est une femme forte et déterminée mais reste pas moins encore une jeune fille fragile, elle qui n'a pas vécu l'adolescence. Le récit de Leela nous fait entrer petit à petit dans un monde sans foi ni loi où il n'y a aucune place à l'apitoiement et aux faibles. Pourtant en dépoussiérant la surface, il y existe bien une "beautiful thing", une belle chose, dans ce monde obscure, c'est qu'il est possible d'y entretenir une amitié sans failles, précieuses et inestimables. Mais Sonia Faleiro n'a pas mené une investigation longue et sans doute même périlleuse pour nous offrir un happy end. Le monde des dance-bars est un monde fragile tout comme tous les commerces des bas-fonds de Bombay. A l'image d'un château de cartes, tout peut subitement s'effondrer. Il ne faut pas oublier qu'il reste un monde dirigé en partie par des hommes, pour des hommes et que les femmes sont traités comme des objets. Elles sont des êtres vulnérables, et restent les premières victimes dans une profession où il n'existe finalement aucune protection contre la maladie, le viol, la tentative de meurtre, le meurtre, la séquestration, la mutilation, l'humiliation, ...Mais dans ce monde sournois et corrompue, c'est une autre chose, inattendue cette fois, qui réduira à néant, les rêves fragiles de ces femmes.
"Bombay Baby" est un reportage littéraire incroyable et précieux, un livre intime. L'histoire de Leela est comme un stroboscope, une alternance de phases lumineuses (flashs) et de phases obscures. La vie de Leila et des autres personnages féminins vous briseront le cœur à plusieurs reprises mais vous ne serez que surpris par la détermination et la force qui dégagent de ces femmes. Loin de tout voyeurisme, "Bombay Baby" fait la part belle au courage à l'humanité, et parfois même au rire."
La première fois que j'ai rencontré Leela, elle était la danseuse la mieux payée du Night Lovers, le dance bar où elle travaillait, et peut-être de tout Mira Road, la banlieue surpeuplée de Bombay où elle vivait alors. Je préparais un reportage sur les bar dancers de la ville. Mon article qui n'était pas jugé "d'actualité" n'avait pas été publié. Personne n'avait envie d'en savoir plus sur une communauté en marge de danseuses, là, aurait-on dit, depuis toujours. Quant à moi, je me trouvais de bonnes excuses pour rencontrer Leela autant que possible.
Je vais tenter de m'en expliquer.
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"Bombay Baby" de Sonia Faleiro
Titre original : Beautiful Thing: Inside the Secret World of Bombay's Dance Bars
Reportage littéraire traduit de l'anglais par Eric Auzoux
Éditions Actes Sud - “Lettres indiennes” série dirigée par Rajesh Sharma
Date de parution : avril 2013 - ISBN : 978-2330017668 - 302 pages - Prix éditeur : 23 €
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Cet ouvrage a été sacré meilleur livre de l'année par The Observer, The Guardian et The Economist.
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