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"Alexandra David-Neel, exploratrice et féministe" de Laure Dominique Agniel

Finies les disputes, la distance ravive leurs sentiments. Alexandra exprime une grande tendresse dans ses lettres, avec le souci de faire partager à Mouchy ses rencontres et ses découvertes. Tour à tour épouse et reporter, elle lui raconte ses aventures avec humour et franchise, se moquant souvent d'elle-même. Cette correspondance publiée après sa mort, avec son autorisation, permet de découvrir intimité de la femme qui ne prend pas la pose, avoue ses faiblesses et ses colères à son cher Alouch.



Louise David, Alexandra Myrial, Yishé Tön-Mé, Alexandra David-Neel. Autant de noms, pour autant de vies.

Tout le monde connaît ou a déjà entendu parler d'Alexandra David-Neel cette grande exploratrice aux multiples exploits, cette orientaliste qui a rédigé de nombreux ouvrages sur ses voyages, le bouddhisme et le Tibet. Mais que savons-nous finalement de cette femme, qui a débuté, pour ainsi dire, sa vie à quarante-trois ans lorsqu'elle embarqua pour l'Inde depuis Bizerte pour ne revenir que quatorze années plus tard, métamorphosée. Que savons-nous sur cette femme qui, a soixante-dix ans, n'a pas hésité à repartir en Chine en pleine guerre sino-japonaise alors qu'elle aurait pu profiter paisiblement de ses vieux jours dans sa maison de Digne-les-Bains surnommée "Samten Dong" à y rédiger d'autres ouvrages.

Avant cette vie de grande aventurière et de grands espaces, Alexandra David-Neel en avait une, quelque peu différente. Elle avait été cantatrice, elle avait été déjà journaliste et écrivaine ; ses convictions étaient anarchiste, franc-maçonne, féministe, théosophique. Elle qui prônait l'émancipation et l'indépendance des femmes s'est mariée à l'âge de trente-six avec Philippe Neel de Saint Sauveur, ingénieur des chemins de fer. Une union peut conventionnelle en ce début du XXème siècle car ils ne vécurent finalement que peu de temps sous le même toit mais entretinrent au fil de leur quarante ans d'union une précieuse correspondance. 

C'est justement cette précieuse correspondance qui a été le fil conducteur de Laure Dominique Agniel dans cette nouvelle parution dédiée à Alexandra David-Neel. Cet ouvrage apporte une approche très intéressante car Alexandra David-Neel y apparaît sans fard, telle qu'elle avait été : avec ses faiblesses, ses moments de doute et de remise en question, ... Elle apparaît "simplement" comme une femme. Nous y entrapercevons son intimité à travers les confessions qu'elle faisait à son "Mouchy", le surnom qu'elle donnait à son mari. Mais Alexandra David-Neel y apparaît également comme une femme arrivant toujours à ses fins, ambitieuse, une femme au caractère bien trempé et intransigeante. Cet ouvrage ne cache pas les contradictions de cette femme dont voici un extrait très parlant :


Voilà une autre contradiction d'Alexandra : elle n'est pas si détachée des conventions qu'elle le prétend, elle aime être servie par des domestiques zélés. Très gourmande, elle raffole de mets raffinés et porte des vêtements bien coupés, des chapeaux et des soieries, mais elle aspire tout autant au dénuement. Privilège des riches qui peuvent choisir de se dépouiller de tout le confort qui les encombre. Elle mettra douze années à se débarrasser des ses oripeaux d'Occidentale.

L'ouvrage a pour but de nous faire découvrir quelle femme avait été Alexandra David-Neel en nous livrant toutes ses facettes. Même si avec cet extrait - d'autres exemples parsèment l'ouvrage - elle peut paraître superficielle, matérialiste et colonialiste, néanmoins n'oublions pas qu'Alexandra David-Neel a été la première étrangère à se rendre à Lhassa. Un exploit qu'elle a pu réaliser en renonçant à ses serviteurs et à ses malles durant près de quatre mois où elle parcourut, avec Yongden qu'elle finira par considérer comme son fils, près de 2000 kilomètres en haute-montagne déguisée en tibétaine en pèlerinage. La notoriété de cette femme ne s'arrête pas uniquement à ses voyages, elle a réalisé une impressionnante bibliographie ; les ouvrages qu'elle a récolté durant ses séjours en Asie et ses travaux ont une valeur inestimable.

"Alexandra David-Neel, exploratrice et féministe" est un ouvrage permettant de découvrir une nouvelle facette de cette extraordinaire femme grâce à la correspondance qu'elle tenait avec son mari. Il permet en outre de redécouvrir le parcours de cette femme hors-du-commun et nous replonge dans l'histoire du début du XXème siècle. Cet ouvrage offre une très belle lecture, fruit d'un minutieux travail de documentation de son auteur Laure Dominique Agniel.




Alexandra David-Néel, Yongden (à l’extrémité gauche), et le mahâraja du Sikkim Sidkeong Tulku (bras croisés), en septembre 1914, au pied du col de Tangchung (5150 m) Maison A. David-Neel, Digne-les-Bains, PHDN 107c.



 

Alexandra David-Neel

Exploratrice et féministe

De Laure Dominique Agniel

Éditions Tallandier - Parution : 7 juin 2018

ISBN : 9791021027060 - 281  pages - Prix éditeur : 19,90 €



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